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préfectorale et municipale, ministère public, jury, suffrage universel, restreint, direct, à deux degrés ; incompatibilités ; noblesse, bourgeoisie, classe moyenne, etc. ?

Que deviennent toutes ces choses dans la société régularisée par la balance ? quelle en est désormais la valeur ? ou, pour parler plus franchement, que devient la politique ?

Réponse. — C’est une loi du sujet qu’en toute chose il commence par produire spontanément ses formes, qui sont ses mœurs, avant de connaître, par la réflexion, la faculté ou le principe qui les lui fait produire. Nous l’avons vu pour la Justice, la propriété, les contrats, les formes judiciaires ; nous le verrons pour le mariage. Mais cela n’empêche pas que les formes du sujet n’acquièrent de fermeté et ne deviennent invulnérables qu’après que la raison en a reconnu et déterminé le principe : la dissolution actuelle, effet du scepticisme moral, en est la preuve.

Or, ce qui arrive pour toutes les catégories de l’ordre moral devait arriver aussi pour le gouvernement. L’État a produit ses formes avant que la philosophie eût reconnu et analysé le principe social dont il est l’expression, et qui n’est autre que la balance économique. Mais l’État est resté dans une condition précaire tant qu’il n’a pas compris et affirmé cette balance ; bien plus, il a tendu constamment à détruire ses formes naturelles et à retourner à l’inorganisme, ce qui est, pour un gouvernement, l’immoralité. Cette réaction du pouvoir contre ses formes s’explique maintenant : elle est la conséquence du privilége, tacite ou avoué, dont le préjugé général lui fait une loi.

Supprimez donc le privilége, faites la balance, et le gouvernement, en s’organisant de lui-même, conformément à l’idée de Justice qui l’anime, va reproduire, dans les conditions les plus favorables, toutes ces formes dont