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ainsi réglé de toute éternité ; d’autre part l’intérêt social étant le plus grand de tous, et l’État ou le prince représentant la société, il n’hésitait point à sacrifier, en tout état de cause, la Justice à la raison d’État. De là une nouvelle et redoutable opposition, qui, s’ajoutant à celle des intérêts, devait finir par prévaloir contre le gouvernement et amener sa ruine.

Tous les États qui ont existé et qui existent, disait Machiavel, roulent dans ce cercle invariable : monarchie, aristocratie, démocratie. — Passons sur les mixtes.

La nation débute par la royauté : au prince, il recommande de tuer, en une fois et sans faire traîner l’exécution, tous ses ennemis.

L’aristocratie saisit le pouvoir : il lui conseille d’exterminer la dynastie, jusqu’au dernier rejeton.

La démocratie vient à son tour : il lui prescrit de tuer tous les nobles.

Il eût dit à l’Église, si l’Église avait eu besoin de ses conseils, de brûler tous les hérétiques, tous les philosophes, tous les socialistes, qui de leur côté ne devaient pas manquer de massacrer tous les prêtres, si jamais ils devenaient les maîtres.

Du reste, Machiavel ne s’occupe ni de droit public, ni de constitution : il avait pour cela trop de génie, trop de bon sens, trop de franchise. Pour lui, le gouvernement n’est pas l’application de la Justice aux choses de l’État ; c’est l’art de s’établir au pouvoir, de l’exercer, de s’y maintenir, de s’y étendre, d’après la loi des sphères, par tous les moyens possibles, au besoin par la Justice, même par une constitution.

— Mais, observez-vous, avec ce système de proscriptions iniques, le gouvernement se rend odieux et prépare sa ruine. — C’est vrai, répond Machiavel, mais le gouvernement ne peut exister à d’autres conditions, puisque