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par des raisonnements anodins, à l’imitation des législateurs de notre âge et à l’amour des générations futures.

Nous ne nions pas les douloureuses confirmations qu’un tel système peut trouver dans les précédents de notre histoire. Nous avons montré nous-même comment entre les étourderies de la noblesse, les défaillances du tiers-état et l’habileté de la couronne, presque toutes nos commotions politiques se sont terminées par le progrès simultané de l’égalité et de l’autorité. Mais il est pourtant impossible de séparer ce mouvement de sa fin ; et cette fin, ce fut la catastrophe de la Révolution française. S’il est vrai que la combinaison de l’égalité et du despotisme soit le gouvernement naturel de la France, comment se fait-il que l’ancienne monarchie ait péri au moment même où elle se rapprochait le plus de cet idéal ? S’il est vrai que la nation française ne demande que deux choses, un joug et un niveau, et que tout Français consente aisément à obéir pourvu qu’il n’ait personne à respecter, d’où vient que c’est à partir du jour où ce double désir a été à peu près pleinement satisfait que s’est ouverte pour la royauté une ère de décadence que rien n’a pu conjurer, et pour la nation une série d’agitations que soixante ans n’ont pu finir ? Ne serait-ce point que le gouvernement fondé sur l’égalité dans l’obéissance, résultat des fautes successives du tiers-état, flattant toutes ses faiblesses, ne satisfaisait pourtant aucune de ses aspirations généreuses, et laissait par conséquent la nation dans un secret mécontentement d’elle-même ? Ne serait-ce pas surtout que cette forme de gouvernement renferme des conditions qui rendent toute stabilité impossible, et qui font de la démocratie royale la moins solide comme la moins noble des institutions politiques ? (Revue des Deux-Mondes, 15 janvier 1854.)


Il n’est pas exact de dire, comme fait M. de Broglie, que la démocratie royale, il sous-entend impériale, soit le moins solide des gouvernements. Elle est tout aussi solide que la monarchie et l’aristocratie, j’oserais même dire qu’aucune institution politique n’offre autant de stabilité. Il n’y a rien de plus ferme, de plus fixe, de plus immuable, que l’instinct. Une plèbe ignorante, purgée de