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térité, lui, a eu le malheur de qualifier cette débauche d’outrage à la nature : on lui a prouvé qu’il n’avait pas le sens commun. Niais, en effet, qui s’en va prendre au sérieux le travail, la propriété, l’hérédité, la Révolution aussi sans doute, et qui ne s’aperçoit pas que la question économique et sociale se résout en un mot, l’expulsion des germes inutiles !

Le lapin, dans l’intérêt de ses plaisirs, châtre ses petits ; le matou dévore les siens. L’antiquité, obéissant à cet instinct de brutes, pratiqua l’avortement, l’exposition des enfants, la castration, la prostitution, la polyandrie ; plus de dix-sept siècles avant J.-C. nous voyons le restreint moral en usage parmi les patriarches. Je ne parle pas de l’esclavage, de la misère et de la guerre, qui complètent cet affreux système. C’est ainsi que sous la loi d’inégalité s’établit l’équilibre entre les subsistances et la population.

Mais la conscience des peuples n’a cessé de protester contre ce hideux système. L’esclavage a en partie disparu ; l’avortement, la castration, l’exposition des enfants sont réputés crimes ; la prostitution est flétrie ; le commerce international amortit le coup des disettes ; la guerre elle-même tend à disparaître. Reste l’onanisme, irrévocablement condamné chez le solitaire, mais dont il ne tiendra pas à Malthus, à MM. Guizot, Dunoyer, Rossi et consorts, que nous ne fassions, dans le mariage, une vertu !

Me fais-je donc illusion ? Et quand, appelant le restreint moral de son véritable nom, je le range dans la série des moyens répressifs que Malthus lui-même a repoussés ; quand je fais de la pratique onaniste le dernier terme ou le premier, comme on voudra, d’une série abominable, est-ce moi qui suis le sophiste, comme j’ai eu l’honneur de me l’entendre dire tant de fois, et les autres sont-ils les vrais savants, les vrais moralistes, les vrais sages ?