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dégagées par conséquent de toutes les causes perturbatrices qui en faussent l’expression.

Il se serait dit que, si la famine, les maladies, la guerre, l’infanticide, la prostitution et l’avortement, sont les moyens, anormaux et violents, qu’emploie la nature contre les populations indisciplinées et exorbitantes, il n’y aurait pas plus de raison dans le restreint moral imaginé par lui pour remplacer les susdits moyens ; qu’une pareille intervention du libre arbitre, loin de remédier au mal, ne ferait que le consacrer, en accusant l’imprévoyance de la nature, l’absurdité de la science, et l’ignominie de la société.

Arrêtons-nous un moment sur cette étrange morale de Malthus, publiquement enseignée et encouragée par l’Académie des Sciences morales et politiques.

Si vous disiez à un enfant : Voici une montre, je vous la donne ; elle ne marche pas toute seule ; mais, chaque fois que vous entendrez sonner l’horloge à la ville, vous n’avez qu’à pousser l’aiguille et la mettre sur l’heure, — cet enfant rirait de vous. — C’est assez que je la remonte tous les soirs, répondrait-il ; je ne dois pas m’occuper du reste.

Il en est ainsi de l’organisme social, avec cette différence cependant que la société, pas plus que le système planétaire, n’a jamais besoin qu’on la remonte ; le mouvement lui est donné et son équilibre assuré pour l’éternité. Tout ce qu’elle nous demande est de marcher avec elle, c’est-à-dire de travailler, et de pratiquer la Justice. À cette condition la terre, quoiqu’elle n’ait que dix mille lieues de circonférence, et que les trois quarts de sa superficie soient couverts par l’Océan, ne nous manquera pas, le couvert non plus.

L’école de Malthus n’est pas de cet avis.

Elle, qui à l’occasion affecte le plus profond respect