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dont la satisfaction exige par conséquent qu’il puisse être largement pourvu aux autres. L’excédant de produit est donc tout à fait conforme à la dignité humaine, à notre faculté de prévision, de spéculation, d’entreprise ; en un mot, cet excédant est de notre droit. Le rentier présumé, ce serait donc, je le répète, à ne consulter que le fait brut, le travailleur.

Cependant la pratique sociale n’a pas voulu qu’il en fût ainsi ; et, quelque lésée que la classe travailleuse puisse se dire aujourd’hui, quelque revendication qu’elle ait droit d’élever, ce n’est pas sans une raison sérieuse que s’est faite cette distinction fondamentale de la rente et du salaire. C’est ce que je ferai toucher du doigt.

Pour que le travail soit fécond et puisse laisser une rente, bien des conditions sont requises, dont plusieurs ne dépendent pas de l’ouvrier, ne résultent point de son libre arbitre :

1o Conditions dans le travail : choix des instruments, méthode, talent, diligence ;

2o Conditions dans le sol et le climat ;

3o Conditions dans la société : demande des produits, facilité de transport, sécurité du marché, etc.

De cette classification il résulte que, si la condition première, nécessaire, de toute rente est le travail, une autre série de conditions dépend de la nature, et une troisième appartient à la société.

D’où il suit que la rente, en supposant toujours qu’elle existe, appartient pour une part au travailleur, qui la rend perceptible ; pour une seconde part à la nature, et pour une troisième part à la société, qui y contribue par ses institutions, ses idées, ses instruments, ses marchés.

La part de rente revenant au travailleur lui sera donc payée avec le salaire, duquel, dans la pratique, elle ne se distingue pas ;