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chose que le vol. Toute la question, pour l’emploi de cet élément redoutable, est, je le répète, d’en trouver la formule, en style d’économiste la balance : chose qu’entend à merveille le dernier des commis, mais qui dépasse la portée d’une religion.

Est-il donc si difficile de comprendre que la propriété considérée en elle-même, se réduisant à un simple phénomène de psychologie, à une faculté de préhension, d’appropriation, de possession, de domination, comme il vous plaira, est étrangère par sa nature, ou, pour me servir d’un terme plus doux, indifférente à la Justice ; que si elle résulte de la nécessité où se trouve l’homme, sujet intelligent et libre, de dominer la nature, aveugle et fatale, à peine d’en être dominé ; si, comme fait ou produit de nos facultés, la propriété est antérieure à la société et au droit, elle ne tire cependant sa moralité que du droit, qui lui applique la balance, et hors duquel elle peut toujours être reprochée ?

C’est par la Justice que la propriété se conditionne, se purge, se rend respectable, qu’elle se détermine civilement, et par cette détermination, qu’elle ne tient pas de sa nature, devient un élément économique et social.

Tant que la propriété n’a pas reçu l’infusion du droit, elle reste, ainsi que je l’ai démontré dans mon premier mémoire, un fait vague, contradictoire, capable de produire indifféremment du bien et du mal, un fait par conséquent d’une moralité équivoque, et qu’il est impossible de distinguer théoriquement des actes de préhension que la morale réprouve.

L’erreur de ceux qui ont entrepris de venger la propriété des attaques dont elle était l’objet a été de ne pas voir qu’autre chose est la propriété, et autre chose la légitimation, par le droit, de la propriété ; c’est d’avoir cru, avec la théorie romaine et la philosophie spiritua-