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égalitaire, qui menaçait d’engloutir et la sainte hiérarchie et la douce fraternité.

Infortuné Bastiat ! il est allé mourir à Rome, entre les mains des prêtres. À son dernier moment il s’écriait, comme Polyeucte : Je vois, je crois, je sais, je suis chrétien !… Que voyait-il ? Ce que voient tous les mystiques qui s’imaginent posséder l’Esprit, parce qu’ils ont sur les yeux le bandeau de la foi : que le paupérisme et le crime sont indestructibles ; qu’ils entrent dans le plan de la Providence ; que telle est la raison des incohérences de la société et des contradictions de l’économie politique ; que c’est impiété de prétendre faire régner la Justice dans ce chaos ; et qu’il n’y a de vérité, de morale et d’ordre que dans une vie supérieure. Amen.

Cependant, Monseigneur, malgré la rigueur du régime infligé à la presse, malgré les menaces de pendaison et de guillotine que vomissent à l’unisson contre les libres penseurs les partis rétrogrades, nous ne sommes plus tout à fait au siècle où les questions qui avaient le malheur de déplaire étaient étouffées sur l’échafaud. Je puis dire, en jetant les yeux autour de moi, que je suis le vaincu des vaincus : soit ! Je n’ai nulle envie de recommencer la controverse de 1848 ; mais quand je garderais le silence, la conscience publique, la vôtre est là, qui vous somme de répondre.

L’Église a tour à tour condamné et soutenu le prêt à intérêt.

« Depuis les conciles d’Elvire, d’Arles et de Nicée, en 300, 314 et 325, plus de dix-huit conciles ont interdit de prêter à intérêt. En outre, les décrétales et les encycliques de plus de quatorze papes, depuis saint Léon jusqu’à Benoit XIV, ont anathématisé ceux qui veulent tirer un intérêt de l’argent prêté. À partir de saint Jérôme, les Pères, jusqu’à saint Thomas et saint Bernard, prêchèrent qu’il était illicite en soi de recevoir un prix pour l’usage de l’argent. Ce principe reçut son appli-