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l’heure et le lieu, le prix exact de chaque chose, si ce n’est aux producteurs-consommateurs, réciproquement intéressés, soit pour la vente, soit pour l’achat ?… Rien de plus simple que ce système, qui ferait disparaître les trois quarts des boutiques, et rendrait à la production une multitude d’intelligences et de bras, absorbés, ruinés dans un trafic inutile.

Mais justement la majorité préfère le trafic au travail ; les propriétaires de maisons applaudissent à ce régime, qui leur vaut en loyers des sommes énormes ; la banque l’encourage, dans l’intérêt de sa circulation usuraire ; le fisc le favorise par ses patentes ; l’agioteur lui réserve ses capitaux ; enfin l’école académique le prône, sous le nom de liberté du commerce. Il ne faudra pas moins qu’une catastrophe pour trancher ce problème de l’égal échange, le plus simple de toute l’économie.

La fin de non-recevoir qu’on oppose à cette réforme, commandée par la Justice, est la difficulté de s’entendre. À la bonne heure ! Oncques ne prétendîmes que la Justice ne devait coûter aucun effort. Pour végéter dans une honteuse licence, rien à faire ; pour appliquer le droit, et par ce moyen arriver à l’ordre et à la richesse, il faut vouloir : ne voilà-t-il pas une puissante exception !…

L’année dernière, des capitalistes anglais, prévoyant une hausse sur les sucres, achètent tout ce qui existait en magasins : leur entremise coûte aux consommateurs 12 millions. Cette année, trois récoltes sont achetées d’avance par le commerce. Et la boutique d’admirer, comme la canaille admire les numéros gagnants d’une loterie, comme nos soldats d’Afrique admirent une razzia. Elle ne serait pas la boutique, en effet, si elle avait le discernement du juste et de l’injuste.

Il se fabrique en France, chaque année, pour 4 à 500 millions de soieries : avec 10 millions comptant on acca-