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« Vous répétez que l’Évangile a proclamé l’égalité des hommes : c’est faux. L’égalité est un faux nom de la Justice. L’Évangile savait si bien l’inégalité qui résulte de notre liberté, qu’il institua la charité pour ce monde, la réversibilité pour l’autre. L’égalité est la loi des brutes ; le mérite est la loi de l’homme. » (De la Restauration française, p. 90 et 124.)

Voilà ce que dit par la bouche de ses apologistes la sagesse chrétienne. Suivant l’Église, car depuis la découverte de la science économique l’Église a voulu dire aussi son mot sur la matière, suivant l’Église donc l’économie politique est un corollaire de la révélation. Le péché ayant envahi la nature, l’égalité de misère est devenue le fait primitif, fatal, d’où la civilisation ne peut surgir que par la religion, c’est-à-dire ici par la consécration de l’inégalité.

Nous savons ce que valent les décisions de la transcendance. Ceux qui affirment l’inégalité par principe de religion seront bien surpris quand tout à l’heure nous leur prouverons que leur prétendu principe est en contradiction avec les lois de la mécanique universelle. Serrons la difficulté, portons sur elle le flambeau de l’analyse, et bientôt nous rougirons de la témérité des jugements antiques.

Les lois de l’économie, publique et domestique, sont, par leur nature objective et fatale, affranchies de tout arbitraire humain ; elles s’imposent inflexiblement à notre volonté. En elles-mêmes, ces lois sont vraies, utiles : le contraire impliquerait contradiction. Elles ne nous paraissent nuisibles, ou, pour mieux dire, contrariantes, que par le rapport que nous soutenons avec elles, et qui n’est autre que l’opposition éternelle entre la nécessité et la liberté.

Toutes les fois qu’il y a rencontre entre l’esprit libre et la fatalité de la nature, la dignité du moi en est frois-