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XVII

Cependant, il faut le reconnaître, en attirant à elle la propriété du sol, de toute industrie et de toute rente, l’Église n’a pas seulement en vue de reconstituer la société partie en communautés régulières, comme celles du Mont-Cassin et de la Trappe, partie en confréries de Bons-Hommes, de Turlupins, de Béguins et de Fratricelles. La richesse créée, il lui faut un écoulement : sans cela à quoi bon la richesse ? à quoi servirait de produire ?

L’Église, de même qu’elle a sa théorie sociétaire, a donc aussi sa théorie de consommation. Dans l’ordre de la foi, comme dans l’économie profane, la richesse et le luxe trouvent leur emploi. Mais que la chair et le sang ne se réjouissent pas : le démon n’y gagnera rien. Le sacerdoce catholique, voué à la continence, à l’abstinence, à tous les genres de mortifications et de contrainte, qui souffre en regardant les plaisirs du peuple, qui soupire en voyant danser les femmes, ne permettra pas que ses ouailles s’engraissent pour l’enfer ; il saura, en étalant à leurs yeux les prodiges de l’industrie, les pousser au ciel par un sentier de ronces et de pierres.

Des richesses qu’il accumule le clergé fait deux parts, l’une destinée aux établissements religieux qui se multiplient de tous côtés, selon les vues de Benoît et d’Ignace ; l’autre réservée au culte, pour l’enivrement des imaginations vulgaires : car à Dieu seul appartiennent la richesse et la gloire, dit l’Apocalypse, Dignus est… accipere divitiam et honorem, et gloriam. Il en est de l’Église et de la religion comme de la royauté : plus elle s’entoure de magnificence, plus le peuple admire ; et plus il admire, plus il adore !

Qui pourrait compter les millions qui s’engloutissent chaque année dans les fantaisies du culte ?… Je fais abstrac-