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elle-même ; qu’en conséquence la nation, obéissant désormais à d’autres principes, se devait de rentrer dans ces biens subrepticement obtenus ; que la Révolution était faite contre le parasitisme ecclésiastique autant que contre la tyrannie féodale ; et qu’en révoquant ces donations superstitieuses, en dispersant par la suppression des couvents le troupeau de Jésus-Christ, elle ne faisait que rétablir les choses en l’état où elles le trouvaient lorsque Barnabé, vendant son patrimoine et en versant le prix aux pieds des apôtres, donna par son exemple le signal de la désappropriation universelle.

Entre la Révolution et l’Église, la question relative aux biens du clergé n’était pas, comme il semblait aux observateurs superficiels, une question de propriété, dans le sens que la posait l’abbé Maury ; c’était une question d’institution et d’économie sociale.

Si le principe de propriété est un principe juste, essentiel à l’ordre des sociétés, pourquoi l’Église enseigne-t-elle le contraire dans ses constitutions cénobitiques ? Pourquoi ce développement des ordres religieux, allant jusqu’à l’absorption de la société tout entière ? Pourquoi cet envahissement continuel de la propriété des familles ? Que signifie cette conspiration contre l’ordre social ? Pourquoi, au dix-neuvième siècle encore, le vicaire de Jésus-Christ excommunie-t-il le Piémont et l’Espagne, coupables, comme la France de 89, d’avoir vendu les biens du clergé ?

Si au contraire le principe de propriété est faux, incompatible avec la foi du Christ, avec la discipline de l’Église, avec la destinée humaine, pourquoi l’Église a-t-elle condamné les communistes des premiers siècles, gnostiques, circoncellions, etc ? Pourquoi a-t-elle massacré les Albigeois, les Vaudois, les Anabaptistes, qui tous se réclamaient de la tradition primitive et des agapes ?