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même : chose facile dans la Thébaïde, où la chaleur du climat et la sobriété qu’il impose rendaient ces conditions aisées à remplir. Dans la haute Égypte, la plus grande partie de la journée était employée par les solitaires à la contemplation et à la prière ; ils s’adonnaient peu au travail, le subissant comme instrument de discipline, plutôt que comme moyen de subsistance.

Mais sous le climat d’Europe, dans les forêts et les montagnes du Nord, la vie érémitique devenait bien autrement pénible que dans les oasis de l’Arabie et de la Thébaïde. En 480, lorsque naquit Benoît, le monachisme, embrassé dans un moment d’exaltation fanatique, était en pleine décadence, à la veille de périr, moins encore par le défaut de règle que par le manque de ressources. D’effroyables abus se commettaient dans cette tourbe d’hallucinés et de vagabonds, simulant de leur mieux la vie romanesque du désert, et qui tous aspiraient à la prophétie et au miracle. En 520, Benoît, déjà célèbre, à qui une longue pratique de la vie contemplative en avait appris les abus et les ressources, commença cette grande réforme, qui n’était autre chose que l’application décisive aux races d’Europe des principes de la vie parfaite et de la discipline chrétienne.

Ces principes se réduisent à quatre principaux : l’obligation du travail, la renonciation à toute propriété, la méditation ou la vie intérieure, voilà pour le moine ; l’agrandissement indéfini du domaine conventuel, voilà pour l’Église.

La règle du Mont-Cassin, rapidement propagée par toute l’Europe, constituait ainsi un genre de vie à part, également en dehors du clergé ordinaire ou séculier et de la société laïque, laquelle, suivant Benoît, n’avait de chrétien que le baptême et la participation aux mystères. Ce régime, aussi rapproché que possible de la vie des bien-