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tages de la nature et de la société : la vie, la santé, la force, la beauté, l’esprit, le génie, la fortune, la noblesse ; par grâces surnaturelles, celles qui ont pour objet plus spécialement le salut de celui qui les obtient, comme les sacrements, la connaissance des mystères, une bonne pensée, un bon sentiment, un saint désir, une révélation, etc.

Or, quelque soin qu’aient pris les théologiens de distinguer ces deux espèces de grâces, il est évident qu’elles ont entre elles les rapports les plus intimes, et qu’en définitive elles ne forment qu’une seule et même catégorie. Cela résulte de ce que la grâce surnaturelle a presque toujours pour but de suppléer à l’insuffisance de la grâce naturelle, souvent même d’en corriger l’effet. Ainsi un homme né pauvre peut être, s’il plaît à Dieu et si son salut l’exige, enrichi par grâce surnaturelle ; comme aussi un homme né riche peut, par un effet de la même grâce, être dépouillé de ses biens et réduit à la mendicité. Tel homme épouse la femme qu’il aime, parce que la grâce l’abandonne ; tel autre obtient de la sienne plus d’enfants qu’il n’en peut nourrir, par un effet de la même grâce. Cela n’a pas de fin. La distinction, admise en théorie, disparaît dans la pratique ; et l’on est en droit de dire, malgré l’Église et ses définitions, que chez elle tout est grâce, et grâce surnaturelle.

VII

De la combinaison du dogme de la chute, et de la nécessité de faire pénitence qui s’ensuit, avec le dogme de la grâce, il résultait donc pour l’Église, quant à la théorie des conditions et des fortunes :

Que si la richesse est de sa nature un bien et une grâce, la pauvreté et la souffrance, suite du péché originel et premier remède à ce péché, est aussi une grâce ; que s’il est permis de jouir des biens que le ciel envoie, comme on