Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/212

Cette page a été validée par deux contributeurs.

saint Mathieu, ch. v. C’est l’évangile qui se chante le jour de la Toussaint : mes professeurs ont eu soin de me le faire réciter par cœur sept années consécutives.

Il y aura toujours des pauvres, disait l’ancienne Loi : Non deerunt pauperes in terrâ habitationistuæ. (Deut. xv) Et le fondateur de la nouvelle n’a pas manqué de répéter cet adage : Vous aurez toujours des pauvres avec vous : Pauperes semper habebitis vobiscum.

Nous voilà loin de l’opinion des classiques, des hommes d’État de la république, et des vieilles de mon pays…

Mais que signifie ce discours ? demandait ma jeune intelligence.

Et l’Église, interprète de l’Évangile, me répondait :

La pauvreté par elle-même est véritablement honteuse, car elle est la peine du péché. Mais, par la grâce de Jésus-Christ, ceux qui ayant vécu dans la pauvreté auront subi leur peine en cette vie seront récompensés dans l’autre, ainsi que l’annonce le divin sermonnaire dans la seconde moitié du verset : Quoniam ipsorum est regnum cœlorum. Tel est l’ordre de la Providence et l’enseignement de notre religion.

C’était à écraser la raison de cent philosophes. Mais l’enfance est terrible :

D’où vient alors qu’il y a des riches ? car si ce n’est pas la misère qui accuse la Providence, c’est la richesse. Expliquez cela.

Les riches, me répliquait le catéchiste, ne sont pas riches, comme ils se l’imaginent, en vertu d’un droit inhérent à l’humanité, mais par un mandat du ciel, et leur propriété n’est qu’un dépôt. C’est pourquoi il leur est recommandé de pratiquer le détachement, pauperes spiritu ; de s’unir de cœur et par une abstinence volontaire aux souffrances des pauvres, et de leur faire largesse, eleemosynam, caritatem. Sans cela il leur est aussi impos-