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propre que le Droit ; qu’enfin ce Droit, ce Devoir et cette Justice étant subordonnés à une sanction surhumaine, qui seule fait de nos besoins, instincts et amours, en certains cas, une chose commandée, et par là nous suggère l’idée de la Justice et du Droit, on peut tenir cette idée, en dehors de la théologie, pour un préjugé de l’entendement, une présomption de l’orgueil et une injure à la Divinité.

Théorie de la chute : produit le plus clair de l’école Normale et de l’école de Droit. Qu’on dise après cela que nous sommes en progrès !


E. de Girardin : Il n’y a qu’un seul Droit au monde, le Droit du plus fort. Le Droit, c’est donc la force. Or, la force est de deux espèces : la force matérielle et la force intellectuelle. La force matérielle, voilà le droit barbare ; la force intellectuelle, voilà le droit civilisé. Changez donc, transformez la force matérielle en force intellectuelle, et vous arriverez à cette formule supérieure : Raisonner, c’est le droit.

Là-dessus M. de Girardin rompt des lances pour prouver l’excellence du régime du raisonnement sur celui de la force. Ce qui en ressort de plus clair est que M. de Girardin proteste contre le droit du plus fort ; qu’il le trouve détestable, inique ; qu’il a en horreur les héros et les brigands, et qu’au lieu de combattre il demande à parlementer. Certes M. de Girardin a raison de se fier à son esprit plus qu’à ses muscles ; mais si je suis le plus fort pourquoi veut-il que je l’écoute ?… Tout ce qu’il peut dire à ce sujet suppose un principe nouveau, autre que la force matérielle et la force intellectuelle, en vertu duquel il me rappelle de la lutte à la raison. Ce principe, il l’entrevoit et le nomme : Le Droit, dit-il, est l’inviolabilité humaine. Mais à l’instant il se rétracte, il nie la Justice obligatoire, qui n’est autre que le sentiment de cette inviolabilité ; il n’admet quant à lui que la Justice réciproque. Réciprocité, réciprocité ! voilà ce qu’il lui faut. Mais la réciprocité, principe théorique des opérations de crédit et d’assurances, n’est toujours qu’un rapport, une formule, une abstraction, qui n’implique nullement en elle-même que le plus fort doive s’y soumettre. La réciprocité en un mot, bien qu’elle soit la forme