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rapproche les hommes et les fait passer de l’inertie juridique à la solidarité politique et sociale. C’est retomber, par la traverse des affections animales, inférieures à la Justice, dans l’inconvénient du transcendantalisme.La sociabilité de l’homme reçoit de la Justice sa forme et son caractère ; comment pourrait-elle la créer ? Et si elle ne la crée pas, comment cette Justice inerte, même soutenue de l’intérêt général, pourrait-elle tenir contre les réclamations de l’égoïsme ?

Si la Justice n’existe pas tout entière, à priori, dans le cœur de l’homme, elle n’est rien : ni la religion, ni la société, ni l’État ne lui sauraient donner l’énergie, et nous tombons en défaillance.


Jules Simon : Le Droit est la faculté de faire ce que prescrit le Devoir ; ou plus simplement, le Droit c’est le Devoir. — Et qu’est-ce que le Devoir ? — La volonté de Dieu en toutes choses, répond M. Jules Simon. On n’est pas plus orthodoxe. Au reste, il est juste de dire que M. Simon a parfaitement compris que son système détruit la Justice. La Justice pour lui n’existe pas : c’est un sentiment complexe, formé de trois éléments, amour de Dieu, amour du prochain, amour de soi-même, et que soutient l’espérance théologale des récompenses éternelles.


Oudot : Après avoir défini le Droit Direction de la Liberté par l’Intelligence ; puis l’avoir subordonné au Devoir, qu’il définit à son tour : Idée de la direction à donner à la Liberté afin d’arriver à un but dont la perspective lui est montrée comme cause impulsive ou finale, M. Oudot complète sa théorie en définissant la Justice : Accord de l’amour de Dieu et du prochain avec une certaine défiance de l’amour de soi-même. Il est assez difficile de se retrouver dans toutes ces directions, ces accords et ces défiances. Mais il est clair que pour M. Oudot, comme pour M. Jules Simon, Droit et Devoir se confondent avec les idées de besoin, d’instinct, de subordination, c’est-à-dire n’ont pas de réalité propre et sui generis ; que la Justice se confond à son tour avec les affections ordinaires de l’âme, bienveillance, sympathie, amour, sociabilité, qui nous sont communes avec les bêtes ; qu’elle n’a pas plus de réalité