Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/185

Cette page a été validée par deux contributeurs.

En y réfléchissant, nous trouverons que les choses doivent se passer ainsi, que s’il en était autrement nous ne serions plus des natures morales, je prends ici la morale au point de vue de l’individualisme ; nous mentirions à notre dignité, ce qui est contradictoire.

C’est une loi de la création et de la raison que les êtres se distinguent les uns des autres par leurs différences, et réciproquement que l’identité d’attributs implique identité d’essence ; en sorte que, l’essence paraissant surtout dans la généralité, se conservant par la généralité, se définissant d’autant mieux que la généralité est plus nombreuse, les individus que séparent leurs différences se confondent, par l’essence qui leur est commune, en une existence unique.

Or tout homme tend à déterminer et à faire prévaloir son essence, qui est sa dignité (Déf. 5).

Il en résulte que l’essence étant identique et une pour tous les hommes, chacun de nous se sent tout à la fois comme personne et comme collectivité ; que l’injure commise est ressentie par l’offenseur comme par l’offensé, et par la collectivité tout entière ; qu’en conséquence, la protestation est commune : ce qui est précisément la Justice.

Pour me servir du langage théologique, qui consiste à mettre des réalités transcendantes là où la science se borne à mettre des concepts, quand la Justice fait entendre dans notre âme sa voix impérieuse, c’est le verbe, Logos, âme commune de l’humanité, dont chacun de nous est une incarnation et un organe, qui nous appelle et nous somme de le défendre.

L’analyse psychologique nous apporte donc ici son témoignage. Elle démontre, à priori, que la Justice, ou la faculté de sentir notre dignité dans les autres comme en nous-mêmes, par suite la volonté de la défendre, est en