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Or, point d’humanité, point de morale : il ne reste que le symbolisme du culte, l’arbitraire de l’Église et l’ignominie de sa discipline. Et nous pouvons dès à présent comprendre comment la période de religion a dû être la période de l’immoralité.

Sous le paganisme, la religion se bornait à donner caution d’une morale qui n’était définie nulle part ; et faute d’une science des mœurs la société antique a succombé.

Depuis l’établissement du christianisme, la religion s’est efforcée de suppléer par l’office de pénitence cette science toujours ignorée ; et nous sommes témoins que la civilisation s’affaisse de nouveau.

En vain, pour la refaire, jurisconsultes et philosophes, savants et lettrés, mystiques et utilitaires, lui apportent le tribut de leurs veilles, en vain pour séduire les consciences par l’attrait de la rationalité, ils simplifient la théodicée ou la suppriment. Comme ils ne sortent pas du système, comme c’est toujours une Justice divine ou une Justice d’État qu’ils proposent, on ne les écoute pas : ils ennuient.

Le moment ne serait-il pas venu de changer d’hypothèse, de chercher la règle et la garantie des mœurs non plus dans une révélation transcendante, mais dans la considération de nous-mêmes, et, après l’avoir trouvée, de nous résigner à être honnêtes sans motif de religion, ne fût-ce que pour le plaisir de l’honnêteté ?

Ce qui motive ma foi à la Révolution, c’est que je la trouve logique, comme le christianisme le fut à l’heure de son institution, comme le polythéisme l’avait été 2,000 ans avant lui. La Révolution est mieux que logique, elle est vraie. Fondée sur l’expérience de l’histoire, dégagée de tout illuminisme, elle possède tous les caractères de la certitude, la réalité, l’universalité et l’observabilité.

Considérez sa marche, et la manière dont elle a fait son entrée dans le monde.