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tait-il à faire pour gouverner la société, sinon de créer un rituel, et comme application du rite une discipline ?

C’est par sa discipline, non par sa morale, que le christianisme a gouverné le monde. Nous verrons en effet dans l’étude suivante que le christianisme, ne reconnaissant pas le droit personnel, est conduit à nier du même coup le droit réel : ainsi le voulait la logique, ainsi l’exige le commandement divin, le principe de religion.

XXVII

Le dernier mot du christianisme sur l’homme et sur la Justice a été prononcé, en style de bel esprit, par l’auteur des Maximes, La Rochefoucauld : ce mot est égoïsme.

Siffler l’humanité, après l’avoir flétrie, c’était encore de la piété, et c’était aussi de la logique.

La Rochefoucauld, M. Cousin nous l’a appris, ayant consulté sur son petit livre les autorités chrétiennes de son temps, en reçut les plus grands éloges. Tout Port-Royal applaudit. Rien de plus exact que cette morale des Maximes, disait-on, de plus conforme à l’esprit de l’Évangile. À la même époque, l’académicien Esprit publiait un gros livre ayant pour titre : De la pauvreté des vertus humaines. C’était la pensée de La Rochefoucauld doctrinalement justifiée par les principes de la foi. Et n’est-ce pas toujours le même esprit de dénigrement qui fait le fond des Caractères de La Bruyère et des Pensées de Pascal ; qui, sous une forme adoucie et avec l’apparence de la tendresse, avait inspiré quatre siècles auparavant l’auteur de l’Imitation ?

Partout où subsiste l’idée religieuse, la conclusion de La Rochefoucauld contre l’humanité est irréfutable.

De nos jours il est de bon goût dans un certain monde de déclamer contre les vertus humaines, lesquelles, dit-