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supposent à priori cette impeccabilité. L’individu en effet, nonobstant sa destinée sociale, naissant égoïste, d’ailleurs libre, tout le péril vient de lui ; de lui seul naît le mal. Vis-à-vis de la société qui l’enveloppe et lui commande, la position de l’homme est celle d’un être inférieur, dangereux, nuisible ; et comme il ne peut jamais se dépouiller de son individualité, abdiquer son égoïsme, cet esprit de révolte qui l’anime, comme il ne saurait devenir une expression adéquate de la société, il est relativement à elle prévaricateur d’origine, déchu, dégradé.

En langage théologique, la sainteté essentielle de Dieu, expression symbolique de la société, implique la dégradation originelle de l’homme ; et réciproquement l’hypothèse plus ou moins empirique de la malfaisance innée de l’homme conduit à la conception de Dieu. Ces deux propositions s’appellent : là est le seul lien logique qui rattache l’homme à l’Être suprême.

Or qui dit Dieu ou déchéance dit implicitement Église, sacerdoce, commandement, obéissance ; dit expiation, rédemption, grâce ; dit enfin christianisme, puisqu’à moins d’affirmer le règne du mal, l’Église, le sacerdoce, et par ce moyen l’expiation et le retour en grâce, sont les seuls moyens de faire régner la Justice.

Conséquemment toute religion ou quasi-religion, quelle que soit son idole ou sa première hypothèse, qu’elle commence par poser théologiquement Dieu, ou bien abstractivement la société ; toute église qui s’affirme, au nom de l’un ou de l’autre de ces deux termes, comme le contrefort de la Justice et des mœurs, et qui à ce titre exige respect et obéissance de l’adepte, cette église-là, dis-je, cette religion, cette école, nie le droit individuel ; elle affirme le péché originel ni plus ni moins que le christianisme ; elle est anti-libérale et contre-révolutionnaire.

J’en citerai deux exemples.