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en vertu de la tendance de l’esprit à chercher la réalité ou le substratum de ce dont il a l’idée, on se demanderait quelle est la cause dont les effets apparents donnent lieu à l’idée, quel est le sujet de cette cause, quelle en est l’essence, quels en sont les attributs. Enfin, l’importance accordée à l’idée comme principe théorique s’attachant au sujet qui la fournit, et prenant la forme du respect, de la crainte ou de l’amour, on aurait du même coup le dieu et le souverain, toutes les conditions transcendantales de la Justice.

C’est ainsi que nous voyons tous les jours des novateurs, athées hier ou panthéistes, retomber insensiblement dans la religion, et affirmer : 1o un Dieu, c’est-à-dire une essence de la nature et de l’humanité, idéale, incompréhensible et indémontrable, et comme telle, sainte et respectable ; 2o une Foi, c’est-à-dire un ensemble de dogmes métaphysiquement déduits de la conception première, à ce titre supérieurs à l’expérience et à la raison ; 3o une Immortalité, car, comme nous aurons occasion de le faire voir, si le sujet de la Justice est Dieu, la sanction morale est également Dieu, en qui dès lors s’accomplit la destinée de l’homme.

Je reviendrai sur cet intéressant sujet de la constitution des dieux et de leur haute juridiction : il suffit quant à présent d’avoir marqué, d’une façon authentique, le rapport qui unit la Religion et la Justice.

Déjà l’on voit que la première n’a pas de raison d’être sans la seconde : la théologie en convient elle-même. C’est pour notre justification que le Christ, le Fils de Dieu, s’est fait homme, qu’il a souffert la mort, et institué son Église. Déjà l’on pressent que la religion pourrait bien n’être qu’une mythologie de la Justice : car si la première est respect, la seconde est dignité, et il suffit pour les identifier de supprimer l’intermédiaire, que l’une pose