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Ibid., lib. viii, v. 349 : Dès le temps d’Évandre, la religion du Capitole rendait craintifs les paysans :

Jam tum relligio pavidos terrebat agrestes.

Impossible de voir dans tous ces passages la moindre idée de lien social.

Ibid., lib. xii, v. 176-193 : Serment d’Énée, avant de combattre Turnus. Il invoque tous les dieux connus et inconnus, toute religion de l’air et toute divinité de l’océan :

______________Quæque letheris alti
Relligio, et quæ cæruleo sunt numina ponto.

La synonymie établie dans ce vers entre numen et relligio prouve ce que j’avance, que ce dernier mot ne s’entendait que des dieux, dont il marquait spécialement et par excellence la respectabilité. On disait aux dieux, en leur parlant : Vestra Relligio, comme nous disons à un prince : Votre Majesté.

Quel est Énée lui-même ? Avant tout un héros religieux, le digne auteur du peuple romain, le digne aïeul des Césars, pius Æneas. Toute l’Énéide est le développement de cette idée, dont la politique d’Auguste et la constitution de Rome est le commentaire. M. Granier de Cassagnac (Histoire des classes ouvrières) s’est trompé dans l’interprétation qu’il donne du mot pius, et les passages qu’il cite suffisent pour le convaincre. Pius est un superlatif de religiosus ; il signifie respectueux jusqu’au dévouement, jusqu’au sacrifice. De là le verbe piare, dont nous avons fiait expier. Que Turnus périsse, dit Junon au xe livre de l’Énéide, et que son sang dévoué satisfasse à la vengeance des Troyens :

Teucrisque pio det sanguine pœnas.

Il s’agit là d’un dévouement à la façon de celui de Curtius. C’est pour cela que le mot pius, pietas, sert à exprimer l’affection filiale et la tendresse paternelle. Dans la