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Tel est le véritable cycle philosophique.

143. Mais l’exégèse des nouveaux sophistes n’embrasse pas les choses d’une manière aussi simple : ils ont tracé de leur côté un cycle de la philosophie, qui, par certains points, se rapproche de celui-là, mais dont l’échelle est beaucoup moins exactement déterminée, et les époques plus indécises.


Période panthéiste, où l’esprit, absorbé dans la contemplation de la nature, plongé dans les idées d’être, de vie, d’intelligence, ne voit qu’un être, une cause, un esprit. Cette période est, comme l’on voit, semi-religieuse et semi-philosophique : les philosophes modernes revendiquent, comme étant de leur domaine, les systèmes religieux de théogonie, cosmogonie et politique.
Période matérialiste et période spiritualiste, ordinairement contemporaines, réactionnaires l’une à l’autre, et belligérantes. Les systèmes que ces deux périodes représentent emploient également le syllogisme, et s’en servent avec un pareil avantage.
Période sceptique et période mystique, produites par l’épuisement intellectuel qu’occasionnent les disputes des périodes précédentes. Le scepticisme et le mysticisme sont le Charybde et le Scylla de la philosophie.
Enfin période éclectique, coïncidant avec le quatrième moment de la série plus haut énoncée.


144. Le vice de cette classification, consiste en ce que les auteurs ont varié dans leur point de vue (voir ch. iii, § 5), et ont caractérisé leurs périodes, tantôt par la doctrine, tantôt par la méthode. Ainsi, la période éclectique indique moins un système qu’un procédé ; les périodes matérialiste et spiritualiste, au contraire, sont prises des systèmes en vogue ; tandis que les périodes sceptique et mystique n’indiquent ni système ni méthode. Ce cycle, en un mot, ne formule pas le progrès de l’éducation de l’intelligence : il rappelle seulement quelques vues de la raison, et le double écueil où elle se brise.

Le cycle décrit par nous, au contraire, représente uniquement le mouvement de l’esprit hors de la religion et sa marche vers la science : c’est ainsi, par exemple, que l’ère éclectique s’y trouve régulièrement placée après l’ère de la détermination des sciences, qui suit elle-même la transformation du syllogisme.

145. Quoi qu’il en soit de l’exactitude du cycle philosophique décrit par les modernes, et dont M. Cousin s’est fait l’interprète dans une suite de leçons les plus intéressantes de ses cours, les conséquences qui en résultèrent furent précieuses, soit pour l’intelligence de l’histoire, soit pour l’avancement de la psychologie.