Page:Proudhon - De la création de l’ordre dans l’humanité.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moi. Dieu, disent-ils, a mis en nous l’image du bien. Cette image du juste, du beau, du saint et du vrai, est la grande matrice de toutes nos idées morales, l’archée de nos devoirs et de nos droits, le paradigme de nos vertus. Or la morale est la conformité de notre volonté à l’idéal qui nous est révélé dans la conscience ; d’où il suit que pour accomplir la loi deux choses sont nécessaires : 1o connaître le type divin qui existe en nous ; 2o diriger nos facultés vers la réalisation de ce type. Tout cela est d’une déduction rigoureuse : malheureusement, le prétendu type est sujet à s’altérer, par conséquent à fausser notre conscience ; et l’on a oublié de nous dire à quoi nous pouvons reconnaître que les inspirations de celle-ci sont légitimes. N’importe : un si beau raisonnement ne pouvait manquer d’être admiré ; aussi l’a-t-on poussé à outrance.

La loi morale n’étant autre chose que le commandement absolu de la conscience, on s’est demandé ce que la conscience prescrivait à l’homme de faire à l’égard du prince, à l’égard de ses semblables, à l’égard de lui-même. Au lieu de regarder l’homme et son semblable, le prince et le citoyen, comme deux termes dont le rapport existait indépendamment de la conscience, et constituait la véritable loi morale, on s’est imaginé que celle-ci préexistait tout entière, avec ses conséquences et ses applications, dans le moi, et l’on a entrepris de le démontrer syllogistiquement en dehors de toute observation et analyse. C’est alors que l’arbitraire s’est introduit dans la morale, et que le respect de la tyrannie, le mépris du travail sous prétexte de détachement et de mysticité, la, pratique de superstitions ridicules ou atroces, ont été érigés en vertus : c’est alors qu’on a pu former les âmes à la servitude par une morale imaginaire, et justifier toutes les formes du gouvernement. Je n’irai pas loin chercher mes preuves.

127. Je commence par la politique.


« L’ère des gouvernements simples est l’enfance de l’humanité. La vérité n’est dans aucun de ces gouvernements : car la vérité, c’est la vie ; et la vie n’est pas une chose simple. La vie est partout l’harmonie de deux termes : dans la nature, c’est l’accord du mouvement et de la mesure ; dans la société, c’est l’union de l’ordre et de la liberté. »


Majeure magnifiquement énoncée, et dont la démonstration complète immortaliserait un auteur : Le gouvernement est chose complexe, ou synthétique. Poursuivons.


« Je ne sache rien de plus propre à inspirer le dégoût des théories