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administratives, même subordination : le substitut est sous la main du procureur du roi, qui est sous la main du procureur général, qui est sous la main du ministre. Quelquefois la subordination se croise et se complique : un agent de police, par exemple, reçoit également des ordres de la municipalité, du parquet, de la préfecture. Tous ces hommes sont enfilés les uns à la suite des autres comme les grains d’un chapelet, ou plutôt comme les membres d’un syllogisme sans fin. Selon qu’ils se rapprochent davantage de la tête ou de la queue, la somme de leurs avantages augmente ou diminue. Sans doute, ce système a sa raison d’être, puisqu’il existe ; je reconnais même que l’invention n’en revient à personne : mais enfin, existe-t-il en vertu d’une loi absolue, nécessaire, immuable ? ou bien ne serait-ce qu’une forme d’organisation préparatoire et sujette à métamorphose ? Quelle que doive être la réponse, il faut démontrer, analyser, formuler : il faut une science, enfin, avec laquelle l’autorité du Péripatétique n’a rien de commun.

121. Ainsi que la politique, la jurisprudence est réglée selon la méthode déductive : un coup d’œil jeté sur le code suffit.

Du principe que l’homme à dix-huit ans et la femme à quinze sont capables d’engendrer, on a tiré la conséquence qu’ils pouvaient contracter mariage : de là un immense désordre dans les familles ; le bonheur des mariages, la condition des femmes, la vigueur des enfants compromis, etc.

Du principe que le consentement seul fait l’union des personnes, on a conclu doctement que, ce consentement venant à cesser, le mariage est rompu de fait, et que le divorce peut avoir lieu : de là une large porte ouverte aux caprices des époux, au désordre des femmes, à l’abandon des enfants, à la promiscuité des sexes. Le divorce, en certains cas, peut être utile et nécessaire : mais les théories d’après lesquelles on a voulu l’établir l’ont rendu monstrueux, et l’on a été forcé d’y renoncer.

Du principe que la dernière volonté de l’homme est sacrée, on a déduit toute la théorie des testaments, théorie souvent utile, souvent odieuse ; modifiée sans cesse, remaniée, retournée de cent façons étranges. — Puis, comme on a cru pouvoir présumer, en certains cas, cette volonté dernière, on a déterminé d’après cette présomption les degrés de parenté conférant droit d’héritage ; et l’on a introduit le hasard dans la distribution des biens, et le hasard a conduit à des résultats immoraux et absurdes.

Du principe que la propriété est entière et absolue, est sorti le droit d’accession ; puis, comme la propriété se limite par la propriété, on a été conduit à une foule de spéculation sur l’incorpo-