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théologiens et les sophistes, de tous les hommes les plus incapables d’en juger, comme ils sont les seuls qui y aient intérêt.

596. Coordonner ou classer des fonctions nécessairement égales ; répartir les instruments du travail et les produits selon les spécialités individuelles et d’après les lois de l’échange : tel est le problème de la création de l’ordre dans l’Humanité.

Organiser la société, c’est décrire une série : série réelle et série idéelle tout ensemble ; car, si la série sociale est inaltérable dans sa forme, ses unités organiques sont à la fois vivantes, intelligentes et intelligibles.

Organiser la société, c’est opérer la synthèse de la matière et de l’esprit, c’est renouveler le miracle de la création. Un jour, le problème cosmogonique sera résolu par l’Économie sociale (321) : avec lui bien d’autres énigmes seront expliquées…

597. Et maintenant, démocrates, sommes-nous dans le vrai ? sommes-nous dans le progrès ?

La théorie sérielle était au fond de la pensée démocratique : car, si cette théorie a pour condition formelle la comparaison des méthodes (157-173), elle a pour condition causative la liberté des opinions, sans laquelle point de recherches, point d’idées.

Dans la sphère politique, la démocratie est la souveraineté passant de l’individu-roi à l’universalité des citoyens ; dans la sphère intellectuelle, la démocratie est la souveraineté passant de la raison sacerdotale et patricienne à la raison collective : — sous l’un et l’autre point de vue, la démocratie n’est point loi, mais matière de législation ; elle n’est pas forme politique, mais sujet d’organisation politique.

Organiser la démocratie est donc une expression parfaitement juste, qui montre à la fois et le faux des prétentions monarchiques, théocratiques et nobiliaires, et la nullité de ceux qui croient avoir tout dit, quand ils se sont proclamés démocrates.

498. La théorie sérielle, produit spontané, expression pure de la démocratie, contient en essence :

Un art nouveau, supérieur à l’ancien, sinon peut-être par l’exécution des détails, du moins par les conceptions d’ensemble ; soumis aux lois d’une métaphysique inconnue, qui déjà s’annonce par divers symptômes.

Une littérature savante, synthétique, où le sentiment résultera de l’idée, où l’image sera formule ;

Une morale, j’ai presque dit une spiritualité, qui laissera loin derrière elle la morale et la spiritualité chrétienne, déshonorée par les folies des mystiques et les impuretés des casuistes.