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sité de l’aperception ne serait pas synthétisée dans l’entendement. Les autres facultés intellectuelles sont des modes de celle-là : la mémoire est une synthèse du temps, synthèse toujours croissante dans son amplitude, comme dans ses unités ; — l’imagination est le jeu spontané de la pensée à travers les séries qu’elle reçoit, copie ou transpose ; — le raisonnement est la vérification du rapport et du point de vue qui constituent la série.

592. Si le raisonnement n’est que l’art de classer les idées (237, 288, 302), de construire et d’analyser des séries ; et s’il est possible, par l’observation, de découvrir les lois essentielles de toute série, il s’ensuit, non qu’avec la métaphysique la science universelle nous soit donnée : — la connaissance des lois du vrai ne supplée point à l’expérience ; elle ne fait que la diriger et la servir ; — mais que nous pouvons avec certitude juger du vrai et du faux, de l’ordre et du désordre, du bien et du mal ; conséquemment que, sous l’observation de certaines lois, notre raison est infaillible.

593. Et non-seulement notre raison est infaillible ; mais connaissant les lois du vrai, elle connaît par là même les causes de ses erreurs, et peut se rendre compte des notions incomplètes qui l’ont égarée.

La religion est un acte de foi, dont la formule ne couvre de vérité qu’autant que l’intuition du révélateur a été immédiate et pure, et son verbe dégagé de toute analogie, allégorie et symbolisme (14, 24-78). Poser le problème de la certitude, c’est demander si la fin des religions approche.

La philosophie est la prétention de créer la vérité avec des mots, c’est-à-dire de connaître la série naturelle par la série logique (248), inventée seulement pour la rapidité du discours. Cette prétention, qui dérive de l’idée de causalité (79-150), n’aboutit qu’à changer l’expression des idées acquises sans en découvrir de nouvelles : tous les systèmes de philosophie en sont là (195-218).

594. La plus haute probabilité se distingue essentiellement de. la certitude. En effet, la probabilité nous est donnée, soit par un postulé sériel, plus ou moins éloigné (321), soit par une série logique, artificielle ou similiforme, prise pour série naturelle (232, 235), soit enfin par une série calculée sous un point de vue simple, lorsqu’il aurait dû être complexe (270, 273 et suiv.).

Ainsi, la vie humaine se développe dans le temps : sous ce rapport, elle est susceptible de comparaison avec toutes les choses qui mesurent la durée. La théorie des probabilités, fondée sur des comparaisons et des proportions, peut donc nous servir à préjuger