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il est quelquefois permis de déroger à cette règle : mais, hormis ce cas extrême, il faut que les fonctions soient distinctes, et toujours, en présence du fonctionnaire spécial, l’individu qui le remplace d’office doit se démettre. C’est ainsi que, dans le flagrant délit, le procureur du roi, en l’absence du juge d’instruction, procède à l’interrogatoire des témoins, fait des perquisitions et lance des mandats ; mais ces attributions cessent aussitôt que le juge d’instruction paraît. Ce n’est pas là une violation de la loi de division ; c’est, si j’ose ainsi dire, une résomption momentanée des spécialités du travail.

Le maire est administrateur et rien de plus ; chef du conseil municipal, il est, par rapport à la commune, ce que le président de la chambre des députés est relativement à la nation. Comme la chambre délibère sur des questions d’intérêt général, ainsi la municipalité délibère sur des questions d’intérêt local ; — comme celle-ci se divise en comité spéciaux pour élaborer les matières politiques, de même celle-ci se subdivise en spécialités municipales. La commune, en un mot, de même que les collèges électoraux et la représentation nationale, est l’un des principaux foyers du pouvoir exécutif et constituant.

576. Dans la condition actuelle, les habitants d’une commune ne sont pas tous électeurs municipaux ; il y a, comme pour l’élection des députés, une condition fiscale à remplir : système propriétaire. — Puis le maire n’est pas l’élu direct des électeurs ; il est choisi par le préfet, et, lorsque la commune est d’une certaine étendue, par le roi lui-même, entre les conseillers élus : système hiérarchique. — Enfin le maire et les adjoints sont irresponsables ; les délibérations des conseils municipaux se tiennent à huis clos ; elles ne sont pas même textuellement rapportées ; le maire et ses affiliés agissent à leur guise ; la commune est leur patrimoine ; ses biens et ses revenus sont leur chose ; ils ordonnancient des dépenses, créent des emplois et des sinécures, font arbitrairement la police, et ne rendent point de comptes. La municipalité, en un mot, est moins libérale, moins démocratique, plus jalouse et plus vexatoire que la représentation nationale, la première autorité de la nation : système aristocrate.

Le pouvoir central, pense-t-on, intervenant dans la gestion des communes, peut rejeter les dépenses imprudentes, casser les adjudications illégales, refuser les emprunts contractés sans nécessité, retrancher les centimes additionnels, etc. Sans doute, il appartient au pouvoir central d’enseigner aux communes les règles d’une bonne administration, et de tenir en bride l’arbitraire municipal : mais le gouvernement, pour s’affermir sur sa base hié-