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œur est plein de fiel, tes lèvres sont chargées d’écume et les mains dégouttantes de sang ; tes chants d’amour sont des chants de libertinage. Malheureuse victime du sacerdoce, âme égarée par d’horribles lectures, je ne t’impute pas ta folie : mais garde pour toi tes visions impies, ou je te marquerai au front du signe de Caïn, je t’affligerai dans ton cœur, et le ver de ta conscience ne mourra pas. Tais-toi.

56. Écris à l’abbé Pillot, athée :

Je suis le prince des génies qui se tiennent devant le trône de Dieu. Mais tu dis : C’est l’idée de Dieu qui enfanta l’esclavage ; la liberté ne connaît point d’Être suprême. La vie et la mort de l’homme sont comme la vie et la mort de la brute : citoyens ! détruisez ces temples, ces châteaux et ces chaumières : construisez-vous des demeures communes ; à bas le tien et le mien, à bas tout ce qui s’élève, à bas ! — Et moi, je suis l’Esprit d’ordre et de liberté ; j’ai fondé les religions afin d’exciter la pensée par le symbole : et j’élèverai d’autres temples à mon Dieu ; je révélerai à l’homme un pacte nouveau ; je donnerai les châteaux des rois à des sociétés d’hommes libres ; je changerai les chaumières en solitudes de délices ; et les princes seront les forts au travail, et les prêtres des anges de perfection. Religion et Royauté sont des paroles de promesse : le Dieu de l’humanité aurait-il parlé en vain ?

57. Écris à l’abbé Châtel, antipape :

Je t’ai fait prêtre de la canaille, afin que tu serves d’exemple aux ambitieux et aux charlatans. Tu as été ta première dupe, la dupe de ton ignorance et de ton orgueil. Tu croyais qu’au nom de liberté, le peuple en foule courrait à ton autel, et que tu serais pontife de la France raisonneuse. Tu t’es trompé, téméraire ! tes mascarades font pitié, tes scandales soulèvent le dégoût. Tu le sais, et tu t’obstines : mais plus tu étales d’impudence, plus ton cœur est abîmé ; et plus je sens redoubler ma joie.

58. Écris à l’évêque Affre, dynastique :

Si je te livrais les enfants du peuple, parle, que leur enseignerais-tu ? Les sciences ? tu ne t’en soucies guère ; — l’histoire ? elle n’a pas de sens pour toi ; — la morale ? celle de Loyola ou de Jansénius ? vous n’en avez point d’autre ; — la politique ? appelles-tu de ce nom les rêves d’Hildebrand ou les cabales des Médicis et des Borgia ? — l’égalité ? selon toi, il n’y a d’égalité que par l’aumône[1] ; — les langues ? tu n’entends pas même tes écritures… Tu leur enseignerais le chapelet. Écoute : tes catéchismes, tes pro-

  1. Mandement de l’archevêque de Paris sur les inondations du Rhône.