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cent crie vers moi contre l’Église ! Jadis elle employa le fer et la flamme contre les bons hommes ; et maintenant les maximes des bons hommes sont dans sa bouche ! Mais j’en jure par le sang des martyrs, la fraternité ne viendra pas de l’Église, et je n’aurai pour l’orgueilleuse que mépris et sifflets : Ridebo et subsannabo.

53. Écris à l’abbé de Genoude, légitimiste :

Quand le peuple demandait la liberté, pourquoi criâtes-vous à l’insolence ? Quand il réclamait l’égalité devant la loi, pourquoi répondîtes-vous par la menace ? Quand il voulut mettre l’ordre dans l’Église et dans l’État, pourquoi l’accusâtes-vous d’usurpation ? Et maintenant vous parlez d’ordre, de constitution, de liberté ! Instruisez-vous, hommes des siècles antiques ; marchez au bruit de mes pas, vétérans d’une royauté dont je ne me souviens plus : c’est moi qui ai brisé le sceptre du grand roi, proscrit sa race, amoindri ses nobles et ses prêtres, parce qu’ils refusaient d’entrer dans ma route… Qui donc es-tu pour faire mentir le destin ? Tes révélations viennent trop tard ; ta politique est un mensonge : tourne-toi, aveugle, et marche.

54. Écris à l’abbé de Lamennais, démocrate :

Je connais tes œuvres, ange de contradiction, je lis tous tes livres. Vingt ans tu défendis le Christ et son Église, vingt ans tu détruiras ton ouvrage. Tes colères contre les indifférents et les incrédules m’ont réjoui ; je disais alors : Tu seras incrédule et indifférent. Tu t’es fait l’émule et l’adversaire de Rousseau : c’est pour cela que tu t’es arrêté à Rousseau. Tu t’écriais d’après l’Évangile : Que celui qui n’écoute pas l’Église soit regardé comme païen et publicain ; tu dis maintenant, d’après Rousseau : Que celui qui n’écoute pas l’assemblée du peuple soit regardé comme rebelle. Tu combattis la légitimité de la raison ; tu invoques la liberté de la pensée. Tu dis au peuple : Vous êtes esclaves ; vos maîtres sont infâmes, stupides et lâches ; vous n’avez ni religion ni morale ; votre dissolution approche. Et quand le peuple demande la règle des mœurs, tu lui contes des paraboles ; quand il cherche les conditions de l’ordre et de la liberté, tu lui réponds qu’il est souverain. Tu n’as rien ajouté à ton modèle : ta philosophie se tait où les difficultés commencent, prêtre jadis par le cœur, prêtre aujourd’hui par la raison, prêtre toujours.

55. Écris à l’abbé Constant, communiste :

Qui t’a chargé de dire mes justices et de prophétiser en mon nom l’incendie et le carnage ?… Infortuné ! tu fais des révélations, parce que tu ne peux soutenir le travail qui donne l’intelligence ; tu appelles le martyre, et il n’y a plus d’autre martyre que celui de la patience. Tu invoques la paix, la fraternité, l’amour : et ton