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Comment le christianisme oserait-il encore afficher des prétentions à l’originalité et au progrès ? Et que veulent dire ceux qui parlent de développer ses principes ?… Est-ce qu’une religion a des principes ?

51. Il se passe en ce moment, au sein du catholicisme, un mouvement extraordinaire. Les prêtres ont entendu les reproches qui s’élèvent contre eux de toutes parts, d’obstination dans des préjugés usés, de résistance aux lumières, de contradiction au siècle ; reproches bien injustes, vraiment, car l’opposition aux idées suppose l’intelligence des idées, et l’ordre est lettre close pour tout dogmatisme religieux. Ne confondons pas la force d’inertie avec la négation philosophique. Et voici que les prêtres s’inquiètent, sentent leur foi qui chancelle, interrogent la science, qui s’est faite sans eux et qui les dépasse, observent les oscillations de cette politique à laquelle ils ne comprennent rien, et s’efforcent de faire tourner à leur profit des révolutions qu’ils n’ont pas prévues, et qui les emportent dans leur tourbillon. Voici que les prêtres s’avisent de prêcher rénovation et réforme ! Mais, comme ils n’ont point marché avec la civilisation, et qu’il n’est donné à personne de franchir les intervalles marqués par la nature, les prêtres, dans leurs projets réformistes, se trouvent les plus arriérés de tous les hommes. Quelques-uns parmi eux, fatigués de l’immobilisme chrétien, se détachent brusquement de l’Église, et abjurent leur foi : mais tous, orthodoxes et dissidents, subjugués dès longtemps par la forme religieuse, et s’imaginant dès les premiers pas avoir parcouru un immense chemin, entreprennent bravement de refaire la société sur un plan qu’ils croient neuf, et qui n’est jamais qu’une figure morte, ou prête à s’évanouir. Sous toutes les formes usées des vieux systèmes politiques, il y a en ce moment conspiration de l’impuissance sacerdotale contre la réalisation de l’ordre. Du reste, toujours même dogmatisme, couvert des grands noms de Dieu, de Providence, de Tradition, d’Autorité ; toujours même style, celui des oracles. Pour achever de les peindre, je ne puis mieux faire que de les imiter.

52. Voici ce que dit l’Esprit d’ordre, le Génie aux ailes de flamme, qui veille aux destinées de la France :

Fils de l’homme !

Écris au prêtre Lacordaire, ultramontain :

Quoi ! tu parles de liberté, fils de Dominique ! tu annonces un siècle nouveau, toi disciple du bourreau de mes premiers élus ! Mais, peux-tu recueillir le sang répandu il y a sept siècles, ressusciter une race exterminée, retirer les proscrits d’Innocent et de Grégoire des bûchers de Montfort et de Castelnau ?… Le sang inno-