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bout ma pensée : sinon, passez cet article ; vous n’êtes pas digne de le lire.

Il faut observer d’abord qu’il est une époque d’éducation rudimentaire, identique pour tous les sujets, autant du moins que leur spécialité native ne se signale pas par une excessive précocité. Ce premier temps de l’éducation embrasse à peu près les mêmes objets que nos écoles primaires et nos collèges jusqu’à la quatrième : seulement il convient d’y joindre, comme exercices, de fréquentes manœuvres agricoles et industrielles, autant par mesure d’hygiène qu’afin de solliciter les caractères et de mettre en relief les aptitudes. Déjà même l’idée de l’utile pourrait se développer au moyen de ces jeux, surtout si on y attachait des primes et des récompenses. Les études scolaires, il est vrai, en seraient retardées : mais les corps en recevraient plus de vigueur ; les âmes sortiraient de là mieux trempées : or, quand nous n’aurions plus d’orateurs de quatorze ans, ni de savants de quinze, cet avantage serait-il si regrettable ?… À l’égard de la dépense, une fois l’adolescent hors du foyer domestique, il n’est plus à la charge de la famille.

Remarquons aussi que, dans les premières années de ce régime, on ne devra pas imposer à tous les sujets les mêmes devoirs : jusqu’à ce que les races prolétaires, minores gentes, généralement viciées, dans l’âme et dans le corps, par la misère, l’engourdissement des passions nobles et la somnolence religieuse, se soient renouvelées, n’attendons pas que chez le grand nombre l’intelligence prenne son équilibre et s’élève au niveau moral.

Mais, puisqu’en ce moment nous anticipons sur l’équivalence des capacités parmi les hommes, essayons, par un ou deux exemples, de faire pressentir les épreuves que l’apprenti devra subir avant d’être déclaré compagnon, avant de prendre rang parmi les citoyens. Car il serait étrange d’imaginer qu’un individu jouit du droit social par cela qu’il appartient à l’espèce, et de croire que le fait de sa naissance le constitue en dignité. Tel est, je l’avoue, le préjugé monarchique et nobiliaire, préjugé éminemment désorganisateur et anti-social. Mais avant qu’il ait été façonné par l’éducation, l’homme est sauvage : or, le sauvage n’a de droits à revendiquer sur rien. Les droits du sauvage, d’après Fourier, sont : chasse, pêche, cueillette et pâture ; dirait-on moins d’une bête farouche ? Et, de vrai, le prolétaire n’a pas même ce droit des fauves, que tous les jours nos philanthropes agronomes s’appliquent à restreindre.

531. Un emploi de forgeron, serrurier ou mécanicien, vaque dans une commune : le conseil municipal cherche un ouvrier. Il paraîtra peut-être étrange qu’il exige du candidat qu’on lui pré-