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peuples et à toutes les époques de l’histoire : ils ont fait ressortir le fait consolant de l’affranchissement progressif du prolétaire par le travail, et ont prophétisé l’extinction du paupérisme et de l’inégalité : mais personne, que nous sachions, n’a déterminé les véritables causes de cette anomalie, et surtout n’en a dévoilé le sens.

529. Le principe du paupérisme est dans le défaut d’équilibre entre le produit et le salaire du travailleur, c’est-à-dire dans la rente prélevée par le capitaliste oisif ; cette thèse a été surabondamment démontrée[1] : — le but providentiel du prolétariat est de définir le devoir du jeune citoyen, et les conditions de son admission au corps politique.

Si l’histoire est le tableau déroulé dans le temps de l’organisme collectif, l’esclave, le plébéien, le serf, le prolétaire, sont le symbole du citoyen mineur, du jeune dans le travail, en un mot, de l’apprenti.

Mais qu’est-ce que l’apprentissage ? Faut-il revenir au régime à jamais anéanti des corporations et des maîtrises, et priver l’apprenti, comme autrefois, d’honneur, de science et de conscience ?…

L’apprentissage, pour nous, est l’instruction publique ; l’autorité qui y préside est l’Université, non pas réduite à cinq ou à quatre facultés, mais une université vraiment universelle, embrassant dans son vaste sein sciences, lettres, arts, industrie, agriculture, commerce, travaux publics, armée, économie sociale, destinée du genre humain : depuis les rudiments de la pensée jusqu’aux dernières profondeurs de l’intelligence.

Le droit de l’apprenti est de tout connaître, de tout voir, de tout essayer ; — son devoir est d’accomplir gaiement et avec audace toutes les corvées que les besoins de la société et le service intérieur du grand atelier commandent : telle est la dette de l’apprentissage et la loi de l’égalité.

Lorsque de nos jours un candidat se présente pour une carrière administrative, la première question qu’on lui adresse est celle-ci : Avez-vous satisfait à la loi du recrutement ? De même, avant de concéder au jeune homme le droit du citoyen : — liberté individuelle, association au travail, salaire, mariage, vote, droit de pétition, d’accusation et de censure ; je veux qu’on lui demande : Avez-vous reçu l’instruction prescrite ? avez-vous fait vos exercices ? avez-vous rempli les obligations de l’apprentissage ? avez-vous pris vos grades ? Montrez vos diplômes…

530. Lecteur, si votre cœur est pur de ferment aristocratique, si le respect humain ne fait plus rougir votre front, suivez jusqu’au

  1. Qu’est-ce que la Propriété ? — Lettre à M. Blanqui, Paris, 1841.