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honnêtes et civilisatrices, auraient produit une organisation complète de la société. Un peu après parurent les censeurs, dont le principal attribut fut l’économie publique, la statistique, les finances, le mouvement de la population, les mœurs et le cens. Enfin les consuls, par un dernier démembrement de leur autorité, se départirent des fonctions judiciaires, en instituant les préteurs. Je passe sous silence la division du peuple en curies, les opérations des comices, les attributions de l’assemblée du peuple et du sénat, et une foule de charges subalternes. Au reste, je n’écris point l’histoire comparée des systèmes politiques ; je ne fais qu’ébaucher le plan de cette magnifique étude.

497. Ici donc, comme en Orient, comme en Grèce, ce qui frappe l’attention de l’économiste, c’est la tendance invariable de la société à se constituer d’abord comme corps politique ; à produire au dehors, sous le nom de magistrats, ses organes de conservation et de centralisation, avant de se développer au dedans comme foyer de production et de consommation. Que ceux-là donc qui, par une erreur funeste et trop excusable sans doute, prétendent faire marcher aujourd’hui la réforme sociale avant la réforme politique, rendent raison, s’ils peuvent, de cette grande loi de l’histoire. Le despotisme oriental, après être ressuscité cinq ou six fois de ses cendres, a succombé par l’insuffisance de sa division ; la Grèce démocrate a péri par l’excès opposé, autant que par le mépris qu’elle faisait des fonctions industrielles ; Rome républicaine et impériale a péri, parce qu’après avoir constitué sa forte hiérarchie, elle s’est arrêtée devant la propriété quiritaire, les latifundia, l’esclavage et l’usure, et n’a pas su républicaniser l’agriculture, l’industrie et le commerce. Tout cela est vrai, sans doute ; mais partout aussi on voit l’ordre politique se manifester le premier, et préluder à la création de l’ordre industriel. Enfin le moment arrive, et c’est celui auquel nous touchons, où la forme extérieure de la société ne paraît plus susceptible d’aucune modification, parce que la dernière main à donner à cette partie de l’édifice dépend de la détermination scientifique de nouveaux organes, du rôle qu’ils ont à remplir, de la place qu’ils doivent occuper. Mais, cette détermination une fois faite, l’impulsion n’en doit pas moins être donnée d’en haut[1], et l’éclosion des facultés internes être précédée d’une révision des facultés externes.

  1. L’auteur paraît être depuis revenu sur ce jugement : il a écrit maintes fois que la révolution sociale devait prendre son évolution d’en-bas, de la spontanéité des masses, non de l’initiative du gouvernement. Au reste, il n’est pas impossible d’accorder entre elles ces deux opinions. (Note de l’éditeur.)