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dans le souverain (444), et s’assimilant aux fonctions politiques proprement dites (494, 506-508)[1].

Ainsi, à Rome, à Sparte, en Palestine, et généralement dans les pays d’égalité, la caste des laboureurs ou propriétaires du sol, la même que celle des nobles ou guerriers, était au pouvoir, primait le sacerdoce et la royauté, et dédaignait l’industrie, abandonnée aux esclaves. Mais cette souveraineté qu’exerçait la propriété foncière n’était point le résultat d’une organisation agricole, l’effet de l’union des laboureurs et de la garantie des propriétés : c’était simplement une prérogative que se partageaient entre eux certains hommes aux habitudes communes, mais du reste indépendants et inassociés. Le sénat romain, tout composé de paysans, ne fit jamais rien pour organiser l’agriculture et centraliser le territoire : les lois agraires, proposées par les tribuns, avaient pour objet de donner des terres à ceux qui n’en avaient pas, nullement de confédérer le travail et d’assurer la production. En un mot, l’agriculture, à Rome, n’entra jamais dans le gouvernement : et ce fut la principale cause de la décadence et de la chute de son empire.

486. Tandis que certains peuples préféraient la richesse territoriale, d’autres se livraient exclusivement au commerce et à l’industrie. Athènes, les Îles, Tyr, Carthage, Damas, furent de grands ateliers, où les États nobles, tels que Rome et Sparte, fondés sur l’agriculture et organisés pour la guerre, durent se pourvoir des produits que la terre ne fournissait pas, et qu’ils regardaient comme serviles. Ici encore, la caste dominante fit la loi dans la cité, et se maintint au pouvoir : mais, ainsi qu’il arriva longtemps après aux républiques italiennes, la concurrence industrielle, divisant les intérêts, devint une source de discordes. Les jalousies mercantiles, plus encore que les armes romaines, détruisirent Carthage : par où nous voyons que l’industrie, dans cette république, de même que l’agriculture à Rome, ne put jamais devenir élément politique, matière d’administration et de gouvernement.

487. Ainsi la nature créatrice procède par de larges divisions, de grandes catégories ; puis elle différencie ces masses premières-formées, et les spécialise à l’infini. Dans le roi, comme dans un mythe, se résument toutes les fonctions relatives à la législation, à l’administration, aux jugements, à la défense ;

  1. L’auteur a voulu dire que l’agriculture, le commerce et l’industrie doivent être centralisés comme l’administration : il n’a jamais été dans sa pensée que le travail dût être organisé par l’état. (Note de l’éditeur.)