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rie ; A. Smith en avait fait la remarque. Pour que trois termes donnés forment une série simple (et, dans le cas actuel, il ne peut être question d’aucune autre), il faut que ces termes soient distincts, indépendants, égaux, sous le point de vue qui les rassemble. Or, dans cette série saint-simonienne tant vantée, le premier terme est une modalité, et le troisième une qualité du second ; ou bien, si l’on préfère un autre style, les trois termes, capital, travail, talent, indiquent une analyse, mais non pas une synthèse. En effet, le capital est du travail solidifié, le talent est du travail considéré dans son plus ou moins de perfection. À priori, antérieurement à l’expérience, la division des éléments de production en capital, travail et talent, est mauvaise, anti-sérielle, et ne peut qu’entraîner dans la pratique des inconvénients funestes.

2o En effet, la distinction des citoyens admise depuis tant de siècles en propriétaires, travailleurs et hommes de talent, est une anomalie, un fait de subversion, qui, avec beaucoup d’autres, est en train de disparaître. Il n’y a pas de travailleurs sans talent, il n’y a que des machines ; comme aussi il n’est pas de propriété sans travail ; il n’est que fraude et usurpation. L’antagonisme du capital et du travail, tant déploré par les amis du progrès, loin de se résoudre en une association qui maintiendrait la distinction effective de travailleur et capitaliste, doit finir, au contraire, par la sujétion absolue du capital au travail, et la transformation de la fainéantise capitaliste en fonction de commissaire aux épargnes et distributeur des capitaux. Les vrais capitalistes, aux yeux de la science et du droit, sont les travailleurs : c’est afin de leur rendre cette prérogative que le gouvernement a établi des caisses d’épargne, des banques de secours et de prévoyance, et que tôt ou tard la banque de France, devenant banque nationale, et combinant ses opérations avec la loi d’expropriation pour cause d’utilité publique, portera le dernier coup à la propriété désœuvrée, et montrera l’inutilité des talents sinécuristes en les mettant à leurs pièces.

3o Que signifient donc ces plaintes : le travail manque de capitaux ;le capital envahit le domaine du travail ;la somme du travail et du capital dépasse les ressources des consommateurs ? ce qu’elles signifient, nous allons le dire :

a) Sous prétexte, de produit net, l’homme oisif, prenant pour lui une part de la production, enlève au travailleur l’épargne et le capital : et comme sans capital il est impossible de travailler à nouveau et de reproduire des valeurs, il s’ensuit que le produc-