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grands sentiments et de majestueuses sentences ; ce sont de vraies formules, telles que l’expérience la plus consommée les pourrait donner, et qu’aucun fait n’infirmera jamais.

Le travail effectué s’appelle produit ;

Le produit utile a nom valeur ;

La valeur accumulée devient, par destination reproductive, capital ; c’est-à-dire principe, ferment, moyen ou organe de production.

Et comme on vient de voir le travail, sous ses deux premiers aspects (produit et valeur), donner lieu à des considérations spéciales ; de même on le verra, sous le nom de capital, engendrer une nouvelle série de faits économiques, et conduire à de plus hautes formules.

396. Et d’abord, le capital étant du travail accumulé, concrète, solidifié, si l’on veut me passer ce latinisme (solidum, capital), d’où vient la distinction si répandue, et qui témoigne d’un si profond antagonisme entre travailleur et capitaliste ? Ces deux termes expriment-ils deux catégories de personnes, ou seulement deux faces différentes de notre condition commune, le travail ?

Ici, nous devons le dire, les économistes, en acceptant sans réserve l’autorité des faits accomplis, ont rendu presque impossible tout développement ultérieur de la science. Tantôt ils célèbrent la puissance des capitaux concurremment avec celle du travail, comme si ces deux éléments de la production étaient réellement antithétiques l’un de l’autre ; et l’on ne manque pas d’en induire l’importance du capitaliste dans la société. Ce sophisme du privilège n’a désormais plus besoin de réfutation : on sait à quoi s’en tenir sur la puissance productive de l’oisiveté. Tantôt ils se lamentent sur le défaut d’harmonie entre le travail et le capital, et lui attribuent tous les désordres de la société, ne voyant pas que c’est la distinction de deux choses identiques qui engendre tout le mal. « L’équilibre est troublé », s’écrie le savant et judicieux M. Rossi : « ici, parce que le travail surabonde ; là, parce que le capital envahit le domaine du travail ; ailleurs, parce que le capital est entravé dans ses applications ; ailleurs encore, parce que la somme du travail et du capital excède momentanément, non les besoins des consommateurs, mais leurs moyens d’échange. »

397. M. Rossi a trouvé la raison immédiate des perturbations sociales, nous allons chercher, nous, la raison de cette raison.

1o Au point de vue métaphysique, le parallélisme qu’on a prétendu établir entre le capital, le travail et le talent, comme principes de production essentiels au même degré, est une fausse sé-