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blicaine n’en sont que des applications ; en un mot, tout le problème de la transformation sociale est là.

378. Ayant proclamé la division du travail, A. Smith se trompa sur sa cause : selon lui, la division du travail a son principe dans le penchant à faire des trocs et des échanges. C’était confondre la cause avec la fin. Le but de la division du travail est, immédiatement, célérité dans la production, abondance et meilleure qualité des produits ; ultérieurement, commerce et association : — son principe se trouve dans l’unité du moi ou de la force intelligente et productrice, dont l’attention ne peut se diriger en même temps sur plusieurs choses. Or, d’une part, la matière du travail est immense ; de l’autre, les formes qu’elle peut recevoir de l’industrie humaine sont innombrables : la production sera donc nécessairement successive, si elle est l’œuvre d’un seul ; divisée, si elle a lieu par le concours de plusieurs. Bien loin donc que le commerce ou le besoin d’échange soit le principe de la division du travail, il en est la conséquence : aussi le commerce est-il considéré en économie politique comme spécialité de travail, c’est-à-dire comme partie intégrante de la production.

Le travail, ou pour mieux dire le produit, considéré sous tous les points de vue que nous venons d’énumérer (375) : tel est donc l’objet de la première section de la science économique.

379. Distrait dans ses recherches par des questions accessoires, beaucoup moins graves qu’il ne l’imaginait sans doute, A. Smith n’a pas connu toute la profondeur et la fécondité du principe qu’il avait découvert : tant l’éclosion des idées dans les sciences est chose lente et difficile. Après lui, un autre économiste, le marquis Germain Garnier, formula une nouvelle loi, qui n’était qu’une transformation de celle de Smith ; c’est la loi de la force collective.

« L’association, dit G. Garnier, de plusieurs hommes qui mettent en commun leur industrie, multiplie leurs moyens dans une telle progression que le dividende de chacun d’eux s’en accroît d’une manière prodigieuse. La diversité des talents, la division du travail, l’addition des forces, le concours des inventions, les échanges, forment des combinaisons incalculables dont chacune est un nouveau moyen de faire. »

380. Toutefois G. Garnier ne paraît pas avoir saisi la connexion intime de cette loi avec celle de Smith ; il s’est borné à la présenter comme un résultat. Quant à ses applications organiques et législatives, il les a encore moins entrevues.

Qu’une montre soit exécutée dans toutes ses parties par un seul et même ouvrier, ou qu’elle soit le produit de cinquante ouvriers différents ; l’unité de l’œuvre n’en sera pas le moins du monde