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convertissent : ce sont, dans l’échelle des êtres, des séries d’ordre supérieur qui se continuent en s’assimilant des matériaux inertes, soustraits à des séries d’ordre inférieur. Dans ces décompositions et recompositions organiques, les atomes physiques ne périssent pas, il est vrai, mais les unités sérielles sont anéanties. Il y aurait conversion de séries si, par exemple, des fragments de trèfle non trituré et digéré produisaient un bœuf vivant ; si une tortue devenait aigle, comme la chenille qui, sans périr, devient papillon.

361. Ainsi, dans la série réelle, il y a une nature, un quelque chose qui résiste, qui se défend, qui veut rester ce qu’il est, et se brise plutôt que de se soumettre à aucune métamorphose, à la plus légère altération ; quelque chose de plus que le poids, la couleur, le mouvement, la figure, la série ; quelque chose enfin d’intraitable à la pensée de l’homme[1].

362. Au contraire, dans la série idéelle, les unités peuvent être transposées, retournées, sans cesser d’être elles-mêmes et de former des séries. La conversion qu’on a vue (213) du système quaternaire d’Ampère en un système ternaire en est un exemple. Les opérations mathématiques sont toutes des conversions sérielles. Additionner, multiplier, diviser, extraire, en d’autres termes, composer et décomposer un nombre, n’est-ce pas en convertir les genres et les espèces ? D’un triangle équilatéral faites un rectangle d’égale surface ou d’égal périmètre ; les propriétés de la ligne, des parallèles, de l’angle, subsistent toujours les mêmes. Si le cercle est incommensurable avec le carré, cela vient de ce que le cercle a

  1. Tout cela est on ne peut plus clair, et parfaitement exprimé. Ce qui suit laisse plus à désirer. L’auteur veut dire, ce semble, que les êtres dont se compose la nature dans tous les règnes, bien qu’ils ne nous soient connus qu’en tant qu’ils sont séries, et comme séries, sont cependant quelque chose de plus que des idées. La preuve, ajoute-t-il, que ces objets ne sont pas de simples idées, c’est qu’ils ne se laissent point manier, faire et défaire, composer, décomposer ou recomposer à volonté, ce qui est le propre de l’idée pure. Toute opération intellectuelle peut très-bien se transformer en une autre, par exemple, ce qui est démontré par syllogisme être démontré par induction ou série et vice versa, sans que la vérité, le résultat de l’opération en souffre. Pourquoi cela ? Parce que, dans ce qui fait ici l’objet de l’analyse, il n’y a pas autre chose qu’une idée. Mais bien que l’entendement conçoive, à priori, la possibilité de disséquer un animal et puis de le faire revivre, comme l’on démonte et remonte une horloge, l’expérience prouve qu’une telle opération est impossible : preuve, conclut l’écrivain, et nous sommes en cela tout à fait de son avis, que l’animal est quelque chose de plus qu’une idée.
    …...D’après cette théorie idéo-réaliste, la réalité de l’être irait en croissant du minéral au végétal, et du végétal à l’animal et à l’homme : elle atteindrait son maximum dans la société, la chose à la fois la plus libre, et qui souffre le moins l’arbitraire de ceux qui la gouvernent. C’est précisément le contraire de ce que suppose le vulgaire (Note de l’éditeur.)