essence et de sa faculté synthétique, convertisse ses sensations en
idées, puis, à l’occasion des phénomènes, détermine en lui les lois
de la pensée et construise le monde métaphysique ; ou bien que ce
soit la nature qui se réfléchisse dans la conscience, et lui découvre
peu à peu et les formes intelligibles de l’être et ses impénétrables
principes : — que la diversité soit dans la nature et la synthèse
dans le moi, ou bien que toutes deux soient dans l’objet, et seulement la faculté de les apercevoir dans le sujet : n’est-ce pas, au
fond, par rapport à la connaissance, toujours la même chose ?
Qu’importe à la science, qu’importe à la certitude, cette différence
d’opinion ? Une chose demeure constante : pour que le moi se
détermine, pour qu’il pense, pour qu’il se connaisse lui-même, il
lui faut des sensations, des intuitions ; il lui faut un non-moi,
dont les impressions répondent à sa propre capacité. La pensée
est la synthèse de deux forces antithétiques, l’unité subjective et
la multiplicité objective ; de sorte que nous avons le droit de
poser cet aphorisme : Ce que les sens révèlent est adéquat à ce que pense la raison, et réciproquement : Toute série construite dans l’entendement est possible à l’expérience.
Les cieux instruisent la terre, a dit le poëte ; la terre redit les leçons du ciel. Voilà en deux mots le résumé de la métaphysique. La loi est absolue, la même pour l’esprit, la même pour la matière. Dualité ineffable, pôles mystérieux de la création, échos sympathiques de la parole divine, l’Homme et le Monde, comme les séraphins d’Isaïe, crient l’un à l’autre : Saint, saint, saint est l’Éternel, le Dieu des sphères, le Créateur des séries !
357. Comment, à cette heure, l’objection fondamentale du scepticisme contre l’autorité de la raison pourrait-elle trouver place ?
« La raison ne peut être démontrée par elle-même, parce que ce serait une pétition de principe ; ni par un principe antérieur, parce que ce principe aurait besoin d’être prouvé par un autre, celui-ci par un troisième, et que ce serait reculer à l’infini. » Cet argument, conçu selon la méthode syllogistique ou de causalité, tombe devant la méthode sérielle, dans laquelle les idées se démontrent, non plus par des actes de naissance et procès-verbaux généalogiques, mais par leurs genres, leurs espèces et leurs séries, résultant de leurs différences et de leurs rapports.
Comment aussi ne pas rire de pitié en voyant les niaiseries éclectiques sur cette même question de la certitude : « L’évidence ne se démontre pas ; l’aperception des principes premiers est spontanée, irréfléchie, prompte comme l’éclair, impersonnelle, subjective et objective tout à la fois, etc., etc. ? » En lisant cette partie des travaux de M. Cousin, où il se place naïvement au--