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cesserait pour lui, elle commencerait pour nous. Dans cette série de mouvements vibratoires, les unités (vibrations) ne sont évidemment ni cohérentes ni simultanées ; elles sont simplement liées. Mais à quelle condition sont-elles liées ? à la condition de l’homogénéité de leur matière, et d’un rapport soit d’égalité, soit d’identité ou de progression, qui rende possible leur mutuelle influence. Ainsi les vibrations de l’air (le son) ne transmettent pas les vibrations de l’éther (la lumière), parce qu’il n’y a pas homogénéité de matière ; ainsi la chute d’un aérolithe n’entraîne pas la terre hors de son orbite, parce qu’il n’y a pas rapport convenable entre leurs masses.

La série nous fait donc connaître à priori quand les phénomènes sont liés, et quand ils ne le sont pas ; en d’autres termes, quelles sont les conditions de la causalité ou manifestation de la force. Ce premier point obtenu, reste à savoir comment la force elle-même, la cause enfin, nous apparaît dans le phénomène.

Or, le concept de cause étant corrélatif dans l’esprit à celui de substance, nous les exposerons en même temps l’un et l’autre.

348. Concept de substance. Tous les objets qui tombent sous nos sens nous offrent un assemblage de séries engagées les unes dans les autres, et que l’on peut considérer comme se servant réciproquement de pivot et de rayon, d’élément et de rapport, de sujet et d’attribut. Cette corrélation des séries s’exprime dans le langage philosophique par les termes antithétiques de substance et de modification. Ainsi, dans la boule d’ivoire, la forme chimique ou moléculaire étant prise comme série principale ou substantielle, la saveur, la pesanteur, l’élasticité sont ses attributs. Les rôles pourraient être changés entre ces diverses expressions sérielles sans que l’objet fût détruit, et la justesse du raisonnement compromise : mais l’usage a décidé qu’en toute série fixe l’une des séries élémentaires serait spécialement et exclusivement considérée comme substratum des autres, comme substance,

La même observation s’applique aux séries fluentes : dans cet ordre d’intuitions, les unités, ou moments, se déterminant l’une l’autre, prennent tour à tour, selon le point de vue où l’on se place, les noms de moteur et de mobile, d’agent et de patient, de cause et de phénomène.

C’est ce qu’avait très-bien aperçu Kant, lorsqu’il faisait entrer les concepts de substance et d’attribut, de cause et d’effet (inhérence et dépendance), dans la catégorie de relation : tous ces termes, en effet, sont autant d’expressions corrélatives indiquant tour à tour les diverses faces d’une série.

Mais l’illustre auteur de l’Analytique s’était arrêté dans sa route.