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coûtèrent la vie au professeur la Ramée, devenu fameux dans les contes d’enfants. Descartes et Malebranche se déclarèrent pour l’innéité des idées, sans trop s’expliquer ni sur le mode de cette innéité, ce qu’avait essayé Platon ; ni sur ce qu’ils entendaient par idées. Locke, et Condillac son disciple, revinrent au système pur et simple de la sensation, comme origine de toutes les idées : le dernier est célèbre par son système de la sensation transformée.

Les choses en étaient là, et le système de Locke passait sans contradiction, lorsque Hume, Anglais, sceptique, avisa que si toutes les idées viennent de la sensation, elles ne doivent rien contenir de plus que ce qui est dans la sensation. Or, observa Hume, la sensation nous donne bien l’idée de succession, mais on ne saurait en tirer l’idée de cause : donc cette idée est une chimère, un vain préjugé, sans réalité. Cette réflexion de Hume concluait droit à l’athéisme, ou tout au moins à un scepticisme sans remède : elle souleva les méditations de Reid, et fit reprendre le problème de l’origine et de la légitimité des idées.

Le raisonnement de Hume, formulé en syllogisme, se réduit à dire : Toutes les idées viennent des sensations ; or, l’idée de cause ne couvre aucune réalité sensible : donc l’idée de cause n’est qu’une idée de succession.

Mais, sans disputer de l’origine externe ou interne des idées, un fait demeure certain, savoir, l’existence dans notre esprit de l’idée très-nette et très-distincte de cause ; et cela est si vrai, que l’argumentation de Hume a pour objet de corriger cette idée. En présence de ce fait, il n’est syllogisme qui tienne : il fallait, ou chercher comment l’idée de cause peut être donnée par la sensation, ou, si l’on ne pouvait le dire, déclarer que le système de la sensation était faux, puisqu’il y avait une idée dont il ne pouvait rendre compte.

Cette observation si simple suffisait pour anéantir le scepticisme de Hume, et l’on aurait dû s’en tenir là : mais on voulut renchérir et raffiner sur le système conceptualiste, et l’on aboutit à un scepticisme cent fois plus profond.

333. D’abord on distingua entre les idées générales proprement dites, celles qui naissent en nous de l’abstraction ou généralisation, et reposent sur une donnée sensible ;

Et les conceptions soi-disant sans réalité objective, et que l’on a soutenu n’être formées ni par induction, ni par déduction.

Les premières furent des produits de la réflexion ; les secondes, des produits de l’activité spontanée. C’est en cela que consiste à peu près toute la différence entre le nouveau système et celui d’Abailard ; et l’on peut dire que sur cette pointe d’aiguille les