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course ces géants, et, par une illumination soudaine, nous nous trouvons leurs égaux.

Dans l’ordre scientifique, les méthodes ; dans l’industrie, les procédés techniques ; dans l’éducation, la discipline ; partout des divisions et des séries : voilà ce qui élève sans cesse le bas-fond des sociétés au niveau des plus belles intelligences, et amène peu à peu, non l’identité, mais l’équivalence des capacités.

317. Posons donc comme corollaires de la théorie sérielle les propositions suivantes :

Dans toute société inorganique ou simpliste, sous le règne de la spontanéité religieuse et de l’hallucination philosophique, l’homme n’ayant atteint nulle part son entier développement ; la science n’étant pas faite ou n’existant que par parties ; le travail s’effectuant sans division : le champ de l’activité humaine est nécessairement restreint ; les capacités, ignorantes, peu ou point différenciées, mal distribuées, sont inégales.

À mesure que la science s’élève, que le travail se divise, que l’industrie prend son essor, le nombre des capacités devient proportionnellement plus grand ; et ce progrès, tout empirique, se manifeste par l’établissement des aristocraties.

Le travail d’initiation dans la science étant incomparablement plus facile que celui de découverte, et les conditions de progrès ultérieurs se multipliant à chaque progrès accompli, la marche des intelligences ordinaires est plus rapide dans sa continuité, que le vol toujours plus embarrassé des intelligences d’élite.

Enfin, la somme des idées augmentant toujours, on supplée, d’abord par des résumés et des notions générales, puis par une théorie des lois mêmes de l’art et de la raison, à l’impossibilité de tout apprendre ; et la totalité de la connaissance se divise pour chacun en deux parties : l’une qui constitue le fonds commun par lequel l’individu est en rapport avec la société ; l’autre, qui se compose d’idées particulières et plus approfondies dont l’objet forme sa spécialité.

Puis donc que le progrès de la civilisation se résout essentiellement dans la perfection des méthodes et des instruments de travail, dans la réalisation facile et précise des idées par les organes ; en un mot, dans la soumission complète de la nature à la raison ; et puisque la raison est identique dans tous les hommes, il s’ensuit que les membres divers d’une société sont autant d’organes spéciaux de facultés équivalentes de la raison universelle (ch. IV, § iii).

318. Et il ne sert à rien de dire qu’en résolvant ainsi toutes les facultés humaines dans l’exercice régulier d’une raison servie par