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de Fourier. Nous avons montré, à cette occasion, comment telle conception, qui au premier coup d’œil semble ne pouvoir être jugée que par l’expérience, apparaît tout à coup, grâce à la puissance de la méthode sérielle, dans la nudité et la fragilité de l’erreur. Comme, dans la nature, la série est la condition absolue de l’ordre, de la vie, de la beauté ; ainsi, dans la science, la série est la condition suprême de l’intelligible et du vrai. Et comme aucune série régulière ne peut avoir lieu dans les idées qui n’ait sa réalité dans la nature, pareillement encore les erreurs de classification et de série que commet la raison sont autant de dérogations funestes aux lois éternelles de la création et de la Providence.

Toutefois, rendons à Fourier le tribut d’honneur qui lui est dû : cet homme cherchait la théorie sérielle avec des pivots, des ambigus, des accords et des discords, comme Pascal enfant apprenait la géométrie avec des ronds et des barres. Moins heureux que ce grand mathématicien, Fourier a échoué dans son entreprise : peut-être ne lui a-t-il manqué, pour réussir, que cette instruction philosophique sur laquelle il a répandu tant de mépris et de colère.


§ VI. — Avantages d’une dialectique sérielle : tendance des esprits
à la série.


299. Résumons en quelques lignes les faits exposés dans les précédents paragraphes.

La nature est infinie dans la variété de ses ouvrages. Cette fécondité de la puissance créatrice, toujours nouvelle et toujours imprévue, toujours luxuriante et pleine d’harmonie, a été pour l’homme, dès le commencement, une source permanente d’inspiration et d’enthousiasme, en même temps qu’un texte inépuisable de conjectures. À la vue de ces étonnantes merveilles, la pensée humaine, confondue, s’est réfugiée jusqu’au sein de l’Être incréé, principe de vie et grand ordonnateur des mondes : et de cette contemplation primitive naquirent des religions innombrables, aussi variées dans leurs formes que les manifestations du Dieu qu’elles célèbrent. Le premier mot de toute langue, le premier refrain de tout hymne fut le nom de Dieu, Iou, Io, Pæan ; et ce nom sacré, inexplicable, comme un écho répété d’âge en âge, retentit encore au milieu de notre société incrédule : Gloria in altissimis Deo ; Hosanna, Alléluia.

Mais, parmi cette infinie variété de combinaisons et de formes, la raison ne pouvait languir en une éternelle extase, ni s’égarer