Page:Proudhon - De la création de l’ordre dans l’humanité.djvu/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rapports possibles, au lieu d’avancer la solution du problème, on ne ferait que se rejeter dans le vague de l’universalité philosophique, d’autant plus que nous concevons très-bien qu’une science peut en supposer ou même en impliquer d’autres, sans cesser pour cela d’être spéciale, sans perdre son individualité et son caractère.

Quel est donc le fait humain, religieux, moral, physiologique ou industriel, qui donne naissance à la série politique ?

Nous avons accumulé d’immenses travaux d’histoire, desquels a jailli tout à coup, comme l’éclair du sein de la nue, l’idée de progrès : mais dans quel sens progresse l’humanité ; en vertu de quel principe et selon quelle loi ?

Depuis des siècles on fait la critique de la famille, du ménage morcelé, du mariage, des diverses formes du gouvernement : quelle loi d’organisation sociale est sortie de tout cela ?

L’économie politique, après cent ans d’existence, a déjà produit plus de livres et entassé plus de matériaux que feu la théologie : je ne nie pas que l’économie politique ne touche à la solution du problème ; mais enfin l’a-t-elle résolu ?

Quelques-uns, plus philosophes que savants, nomment les passions : mais les passions, d’après la liste qu’on en apporte, sont tantôt des principes d’action, tantôt des facultés, tantôt des besoins, tantôt des mouvements ou des essors : toutes choses qui, comme nous le verrons plus bas, ne forment point série, par conséquent ne peuvent être soumises à une loi commune. Or nous cherchons précisément le balancier régulateur des passions, d’autant mieux que, d’après les mêmes philosophes, les passions peuvent prendre un essor subversif ; donc les passions ne sont pas le fait générateur de la série sociale, et ce n’est pas sous ce point de vue qu’il faut chercher la constitution de la science.

J’ai nommé le mariage : les anathèmes ne lui ont pas manqué, non plus que les panégyriques. Or, la monogamie est-elle d’institution naturelle ? faut-il lui substituer une liberté illimitée ? quel est le droit des époux ? quelles sont les limites du divorce ?… Je défie qu’on me montre, dans aucun des ouvrages publiés sur la matière, rien de complet, de suivi, de vraiment concluant, quelque chose qui satisfasse pleinement une raison sans préjugés. D’où vient cela ? De ce que la question n’a pas encore été abordée sous son vrai point de vue, et développée selon les règles d’une dialectique sériée.

252. Si la détermination du point de vue est nécessaire à la constitution de la science, elle n’est pas moins utile à la démonstration des théorèmes.

Je suppose que l’on ait à démontrer le principe d’égalité devant