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la parole est susceptible sont le propre du grammairien, du rhéteur et du poëte : le métaphysicien en use, comme il se sert de livres et de papier ; mais il n’opère point avec elle. Produit de la nature et objet d’art, le langage est soumis aux investigations de la raison : comment serait-il la lumière de la raison ? spécial dans la série, comment aurait-il tenu lieu de la loi sérielle, qui devait être générale[1] ?

248. H) Point de vue de la série. Nous avons étudié la série dans son élément, sa raison, ses formes ; nous avons signalé les principaux écueils à éviter dans les classifications et les méthodes : 1o en distinguant la série artificielle de la série naturelle, et nous tenant en garde contre le danger des transpositions ; 2o en réduisant à leur juste valeur les inductions tirées de la ressemblance extérieure et fortuite des séries ; 3o en fixant le rôle purement abréviateur de la série logique, sans laquelle le discours et la science même seraient impossibles. Ces trois sources d’erreurs, nées d’un même vice de l’intellect, la confusion des séries, embrassent toutes les variétés de sophismes, paralogismes, illusions et hallucinations, dans lesquelles puisse tomber l’esprit en raisonnant.

Mais tout cela suppose la série déjà formée ou du moins perçue : or, il s’agit de déterminer à quelle condition la série se laisse percevoir, en d’autres termes, quelle est, pour l’esprit, la condition d’existence de la série.

249. En toute question, la première chose à faire est de déterminer le point de vue que l’on se propose d’étudier dans l’objet. Par exemple, l’homme a de tout temps recherché la mélodie, l’harmonie, la cadence, le rhythme : or, il y a des sons rauques, doux, éclatants et sourds ; il y en a de plaintifs, de gais, de flûtes, etc. Cette manière de considérer les sons, ce point de vue qu’ils offrent à l’observateur suffisait-il pour constituer la musique ? Non : il fallait découvrir un autre point de vue sans lequel l’art ne pouvait exister ; ce point de vue était l’échelle des sons.

Le botaniste s’occupe avant tout du classement des végétaux : or, ainsi que nous l’avons fait remarquer, les plantes se présentent à l’observateur sous une multitude de points de vue, tous aussi naturels les uns que les autres, mais parmi lesquels il en est un qui, à lui seul, constituera la science. Ce point de vue n’est ni la taille, ni le climat, ni l’utilité, ni la tige, ni la feuille, ni la fleur,

  1. Tout cela signifie que la syntaxe ne peut, dans aucun cas, tenir lieu de dialectique. (Note de l’éditeur.)