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Donc, sans nous inquiéter davantage d’attractions, passions, sympathies, essors, attachons-nous à la loi sérielle, et nous saurons de ces choses tout ce qu’il nous convient, tout ce qu’il nous est possible d’en savoir.

176. Puisque les mathématiques sont une application particulière de la loi sérielle, essayons, avec leur secours, de reconnaître quelques-unes de ses propriétés.

L’arithmétique n’est possible que par la série : cette proposition n’a plus besoin d’être démontrée. Chacun sait que les opérations arithmétiques, addition, soustraction, multiplication, division, extraction, les rapports de progression, le balancement des extrêmes et des moyens dans les proportions reposent sur le classement des nombres en unités multiples et sous-multiples les unes des autres.

D’après ce principe, nous pouvons répondre à cette question, dont l’énoncé peut paraître absurde à beaucoup de gens : Pourquoi deux et deux font quatre ?

La démonstration de ce théorème repose sur ce principe sériel, que ce qui fait le genre, ce qui détermine le groupe, est vrai de toutes les espèces qui le composent.

Soit l’unité, l’identité absolue, l’indivision, représentée par un point. Si l’on conçoit que ce point, se dédoublant, s’extériorant ou s’objectivant, pour me servir du langage philosophique, se pose en face de lui-même, il en résultera une collection ou série binaire - : - . Concevons ensuite cette série binaire s’engendrant à son tour comme l’unité, nous aurons - : -plus - : -. Or, cette réduplication peut donner lieu à plusieurs figures :  : — : .. —   — : ., etc., lesquelles ne sont toujours que la série binaire redoublée, et présentée sous des aspects différents. Mais ces aspects ou figures, considérés seulement sous le rapport du nombre, sont autant d’espèces d’un genre ou groupe arithmétique, auquel on a donné le nom de quatre. Quel que soit donc l’objet que l’on considère, les jambes d’un quadrupède, les cordes d’un violon, les yeux d’un limaçon, les angles formés par le croisement de deux droites, le nombre étant la seule chose que l’on ait en vue, le groupe qui résulte de la série binaire opposée à elle-même reste arithmétiquement identique : c’est toujours quatre.

Il suit de là que tout nombre au-dessus de l’unité n’est pas seulement un rapport, comme l’a dit Newton : c’est encore un groupe, une série, un genre, abstrait d’une multitude d’espèces. Sans abstraction, point de nombre : donc il y a quelque chose de logique antérieur à l’arithmétique, donc les mathématiques ne sont pas le dernier mot de la raison.