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équivalences, des combinaisons mathématiques singulières. La lumière, ce corps si pur que nous l’avons pris pour symbole de la vérité, est un groupe formé des sept couleurs : l’échelle musicale se compose également de sept tons, cinq pleins et deux fractionnaires. Frappez un corps sonore, et vous produisez une suite de vibrations isochrones, semblable à un mouvement de va-et-vient précipité. — Or, bien que nous ne puissions dire la cause première de cette division des tons et des couleurs par sept, il n’en est pas moins vrai que sans elle nous connaîtrions à peine la lumière, et que la musique serait impossible.

Depuis que les travaux d’une foule de savants infatigables sont venus se classer en un vaste système de genres et d’espèces, entre les mains de Lavoisier, on peut dire que la Chimie a commencé d’exister. Et toutes ces théories d’équivalences et de substitutions, d’isomorphisme et de dimorphisme, ces magnifiques lois de proportions, qu’expriment-elles, sinon des séries atomiques, équilibrées, proportionnelles, progressives, et se transformant l’une dans l’autre ? …

162. Dans le règne animal, tout est genre et espèce, différenciation, progression et série. Non-seulement les animaux ont été distribués par la nature en groupes tantôt subordonnés, tantôt parallèles ; mais, dans leur organisation intime, ils suivent encore la même loi. La colonne qui soutient, comme un temple, l’édifice animal, est vertébrée ; les parois qui défendent les organes nobles, sont formées de côtes ; la circulation obéit aux battements mesurés du cœur ; les dents, les plumes, les nageoires, les pieds, les doigts, les yeux, suivent, selon le genre et l’espèce, des proportions de nombre, de dimension et de position, admirables dans leur variété et leur série. Pourquoi, au lieu d’un voile membraneux, la nature a-t-elle donné à la femme ces milliers de longs cheveux, d’autant plus gracieux à la vue qu’ils sont plus ondulés, et s’éloignent davantage de la forme rectiligne ? Pourquoi, au lieu d’une couche de graisse ou de gomme, a-t-elle revêtu les fauves d’une fourrure de poils courts et serrés ? Pourquoi, tandis que la tortue est emprisonnée dans sa cuirasse faite d’une seule pièce, ces écailles dans le poisson, ces anneaux chez le serpent ?

Force, vitesse, beauté résultent exclusivement chez l’animal de la division des pièces organiques et de leur agencement par groupes symétriques. Comme si la densité absolue et la continuité étaient cause de faiblesse[1], la nature a construit les organes les

  1. Comparez la force d’un tissu de soie à celle d’une feuille de papier ; la pellicule de l’œuf avec l’enveloppe de la chenille ; la résistance d’une planche de sapin avec celle d’un plateau de verre.