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commerçantes, arrivèrent à la sui-conscience, qu’on me passe le mot ; de là l’établissement des communes. Tant que la bourgeoisie eut en face d’elle les deux premiers ordres, clergé et noblesse, cette conscience se soutint énergique : la classe bourgeoise se distinguait, se définissait, se sentait, s’affirmait par son opposition aux classes privilégiées ou nobles. La convocation des États généraux de 1789, où elle ne figura d’abord qu’en troisième ligne, décida de sa victoire. À dater de ce moment, clergé et noblesse ne furent politiquement plus rien ; le tiers-état, selon l’expression de Sieyès, fut tout. Mais, remarquez ceci : du jour où la bourgeoisie est devenue tout, où il n’a plus existé ni classe ni caste en dehors d’elle qui la définît, elle a commencé à perdre peu à peu le sentiment d’elle-même ; sa conscience est devenue obscure, elle est aujourd’hui près de s’éteindre. C’est un fait que je constate, sans prétendre autrement en faire une théorie.

Qu’est-ce que la bourgeoisie depuis 89 ? quelle est sa signification ? que vaut son existence ? quelle est sa mission humanitaire ? que représente-t-elle ? qu’y a-t-il au fond de cette conscience équivoque, semi-libérale, semi-féodale ? Tandis que la plèbe ouvrière, pauvre, ignorante, sans influence, sans crédit, se pose, s’affirme, parle de son émancipation, de son avenir, d’une transformation sociale qui doit changer sa condition et émanciper tous les travailleurs du globe, la bourgeoisie, qui est riche, qui possède, qui sait et qui peut, n’a rien à dire d’elle-même ; depuis qu’elle est sortie de son ancien milieu, elle paraît sans destinée, sans rôle historique ; elle n’a plus ni pensée ni volonté. Tour à tour révolutionnaire et conservatrice, républicaine, légi-